L’épreuve était de taille: rendre la culture hip-hop accessible à l’ensemble des Montréalais. Lieu atypique, le Hip-Hop Café s’est relevé les manches en s’implantant dans la métropole pour faire rayonner ce style musical.
Des graffitis colorés tapissent les murs, bordés d’une grande vitrine en plein cœur du Mile-End. Dans une ambiance chaleureuse où bat le rythme hip-hop, des gens sirotent un café en s’imprégnant de cette culture unique. Nouveau venu en ville, le Hip-Hop Café permet la survie de ce style musical trop souvent relégué au second plan.
«On doit se battre contre une vision déformée du hip-hop, avance le vice-président du café, Damien Le Bris. C’est une culture mise dans l’ombre et très méconnue des médias montréalais.» C’est dans l’optique d’intéresser le grand public à cette culture qui le passionne qu’Olivier Brault a développé l’idée du Hip-Hop Café. Pour le fondateur de l’établissement, tout le monde peut s’y reconnaître. «C’est une musique très diversifiée. Le hip-hop est un peu le reflet de notre société, surtout à Montréal où il y a un grand bassin multiethnique et où tout le monde est différent», croit-il.
Ouvert depuis le 1er mars dernier, l’établissement unique en son genre permet de se procurer des disques, des livres ou des t-shirts à l’effigie de groupes de musique. Le café propose aussi une section réservée à l’événementiel où il est possible d’assister à de petites performances ou à des expositions de toiles et de photos liées à ce style musical. «À la base, l’idée était de regrouper tout ce qui concerne le hip-hop dans un même endroit», explique le fondateur, qui a planché pendant plus de dix ans sur le projet.
Son acolyte, Damien Le Bris, relate qu’Olivier Brault et lui ont dû confronter à certains préjugés envers la musique hip-hop. «Au départ, les gens d’affaires qu’on a consultés ne voulaient même pas qu’on baptise l’endroit le Hip-Hop Café. Ils trouvaient ça risqué.» Les acolytes ont quand même foncé, persuadés de pouvoir rejoindre une clientèle très large. Ils ont gagné leur pari. «À notre ouverture on a reçu des personnes de tous les horizons, des familles avec des poussettes, des jeunes comme des personnes âgées», se réjouit le vice-président.
Pour l’enseignant en marketing à l’UQAM, Marc-Antoine Vachon, l’initiative reste audacieuse. «Il y a une certaine démocratisation des cafés à Montréal, remarque-t-il. La clientèle qui les fréquente est de plus en plus diversifiée et les propriétaires jouent davantage sur l’ambiance et l’originalité des établissements.» Pour l’enseignant, le Hip-Hop Café risque de marquer des points par son caractère unique. «S’ils avaient décidé de faire un bar hip-hop de plus à Montréal, il n’y aurait pas eu de quoi faire les manchettes, soutient-il. En revanche, un café apporte quelque chose de distinctif qui peut être payant.»
Olivier Brault admet avoir rejeté d’emblée l’idée d’offrir des boissons alcoolisées, malgré le côté événementiel de son établissement. «Tout ce qui est relié au hip-hop en ce moment a lieu dans des bars. On voulait arriver avec quelque chose de plus frais, de complètement différent de ce qui se fait actuellement», explique-t-il. Il désirait aussi créer un lieu d’échange et de partage sur la musique. «Pour nous, un café est une façon plus chaleureuse de faire connaître la culture hip-hop.»
S’il juge que la diversité des services offerts contribue à l’originalité du café, cela comporte aussi une part de risque, rappelle Marc-Antoine Vachon. «Ça demande beaucoup de ressources, notamment financières pour soutenir les différentes parties d’un commerce comme celui-là, explique-t-il. Il faut savoir, jusqu’à un certain point, limiter le nombre de choses qu’on offre pour être capable de faire vivre chacune d’elle.» Pour sa part, Olivier Brault estime que les différentes parties de son commerce sont essentielles à sa survie. «Je n’aurais pas pu seulement offrir un lieu de vente et j’aurais difficilement pu avoir juste un café, étant donné qu’il y en a déjà plusieurs dans le quartier.» Selon lui, la combinaison des deux portions permettra à l’entreprise d’être viable.
Jusqu’à maintenant, le Hip-Hop Café a attiré une foule de curieux venus partager leur passion pour la musique ou simplement pour découvrir cet endroit insolite. Marc-Antoine Vachon soutient qu’il est important de profiter de cette effervescence pour séduire la clientèle. «À Montréal, la compétition en restauration et dans les cafés est très féroce, soulève-t-il. Le Hip-Hop Café doit faire bonne impression et se faire connaître. Plus les choses sont bien faites dès le départ, plus on peut s’attendre à ce que ça fonctionne à long terme.»
Bien que l’entreprise en soit encore à ses premiers balbutiements, Olivier Brault et Damien Le Bris sont confiants pour la suite des choses. «Le hip-hop, c’est une culture toujours vivante, soutient le vice-président. Il y aura toujours de nouveaux artistes, à Montréal et aux alentours pour garder cette musique présente.»
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