S’harmoniser avec la musique

Pression de la scène, perfectionnisme, difficultés financières : nombreux sont les facteurs qui peuvent conduire à l’épuisement professionnel d’un musicien, évoluant dans un milieu où équilibre de vie et performance sont parfois difficiles à accorder.

Dans le cas de l’épuisement professionnel, contrairement à la dépression, « le mal-être est relié d’abord au monde du travail. Après, évidemment, si on laisse le burn-out prendre trop de place, ça peut affecter toute la vie de la personne », explique la doctorante en éducation musicale à l’Université Laval Sonia Coppey.

« L’épuisement étant un processus, il y a différents degrés […] de gravité », précise celle qui consacre sa thèse à ce problème chez les musiciens. Même si les causes diffèrent d’une personne à l’autre, il est surtout important de s’informer sur cette problématique, souligne la chercheuse, qui est aussi violoniste professionnelle. « Si on ne sait pas que ça existe, on ne le voit pas venir », ajoute-t-elle.

C’est ce qui est arrivé à la chanteuse de Groenland, Sabrina Halde, qui a eu de la difficulté à réaliser qu’elle en souffrait. Elle raconte s’être isolée des autres membres du groupe sans oser exprimer ce qu’elle vivait. « Ils n’ont pas compris pourquoi je n’allais pas bien et ils ne savaient pas quoi faire », rapporte-t-elle.

Du physique au psychologique

Le batteur Jonathan Bigras, qui joue entre autres pour Galaxie, Dave Chose, Dany Placard et Laura Sauvage, se souvient de la lassitude physique qu’il a vécue dans la dernière année. « À un moment, j’avais trop de travail […] et tous mes projets étaient actifs, partage-t-il. J’ai fait une espèce de burn-out. Je n’avais plus envie du tout de jouer. »

Au retour d’une tournée en Europe, il raconte s’être senti irritable et fatigué. « J’arrivais en arrière de mon drum et j’avais juste envie de le lancer au bout de mes bras », confie-t-il.

Sabrina Halde a aussi ressenti une baisse d’énergie en 2014, lorsqu’elle s’est mise à souffrir de fatigue vocale et de laryngites chroniques. « Au début, je n’ai pas parlé pendant six mois que je vivais [de l’épuisement professionnel], parce que je ne comprenais moi-même pas ce qui se passait », fait-elle part.

C’est en partageant sa situation autour d’elle qu’elle a réalisé que plusieurs personnes ont fait face à de l’anxiété, à un burnout ou à une dépression. « Tous ces troubles viennent avec une vie qui n’est pas stable », soutient-elle, en citant les exemples d’une mauvaise alimentation et d’un sommeil insuffisant lors des tournées.

« Le bruit et les gens, ça me fatigue vraiment beaucoup et ça, je ne le comprenais pas au départ », relate la chanteuse en soulignant « l’escalade de stress » qu’elle a vécu. « J’ai commencé à écrire le deuxième album [de Groenland] en gros stress, parce que je pensais à la tournée, confie-t-elle. Je partais déjà dans un état d’esprit fatigué. »

Éduquer pour prévenir

La psychologue Nathalie Lacaille a donné un cours sur la psychologie de la performance à l’Université de Montréal jusqu’en 2016. Elle s’intéresse surtout à la question du stress de performance, notamment en ce qui concerne la connaissance de l’être humain afin de cerner la source de cette angoisse. « L’épuisement professionnel peut venir du harcèlement psychologique, du stress de la performance, de l’insécurité par rapport à son futur, d’un professeur trop demandant, d’un perfectionnisme trop élevé », dénote-t-elle.

Pour contrer le manque de confiance en soi et l’anxiété, elle estime qu’il faut se connaître soi-même en tant qu’artiste afin de savoir si l’on est fait pour ce métier.

Être à l’écoute de soi-même

Jonathan Bigras a demandé à son entourage en musique comment composer avec le stress alors qu’il se sentait épuisé professionnellement. « Décrocher », c’est la manière qu’il a trouvée pour composer avec le temps, l’angoisse et la charge de travail.

Il continue à cumuler les projets et les collaborations dans divers groupes rock, trois ans plus tard. « Je n’ai jamais autant été occupé qu’en ce moment, je gère super bien et je suis en forme », affirme-t-il.

Sabrina Halde a, pour sa part, ressenti le besoin de prendre une pause à la suite de son deuxième album avec le groupe Groenland. « J’adorais ce que je faisais, mais je n’étais pas capable [de continuer]. C’est comme si j’avais besoin de recommencer à zéro », a-t-elle réalisé, décidant de consulter un psychologue.

Profitant d’une pause pour voyager et se reposer, elle a intégré le cirque Éloize en novembre 2017 à titre de chanteuse. « Je pense que ça m’a appris à mieux me comprendre, résume Sabrina Halde. Je suis encore dans le processus, des années plus tard, à comprendre mes limites. »

La chanteuse de Groenland n’écarte pas la possibilité de retravailler avec le groupe. Même si la vie de tournée apporte un certain stress, elle se dit aujourd’hui être à l’écoute des signes de surmenage et prête à consulter de l’aide s’il le faut.

photo: SARAH XENOS MONTRÉAL CAMPUS

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *