Des produits à saveur de cannabis prohibés

En raison de l’entrée en vigueur de la Loi encadrant le cannabis et de son article 50, qui limite la vente aux produits associés et à l’effigie de cette substance, les bières à saveur de cannabis de la brasserie le Saint-Bock ne sont plus disponibles sur les étagères et devront changer de nom pour être servies sur place.

Un reportage du Radio-Campus, par Éloïse Chagnon

Le 17 octobre 2018 était jour de mauvais présage pour Martin Guimond, président et propriétaire de la brasserie le Saint-Bock. À cause de la légalisation de cette drogue, il fait face à plusieurs problèmes, dont le réétiquetage des bouteilles de bière à saveur de cannabis, l’obligation de changer le nom de ces bières pour des noms sans allusion à la drogue ainsi que l’interdiction de revêtir et de vendre des produits arborant des feuilles de cannabis.

Toutes ces conditions mettent en jeu près de 400 000 $ en marchandise et en frais de production. « Les gens vont fumer des gros joints sur le trottoir en fêtant la loi de légalisation qui vient de passer, alors que nous serons en train de prohiber, de cacher tous nos t-shirts et tous nos verres avec des feuilles de pot. […] Pendant que la drogue va être légale, nos produits qui n’en contiennent pas seront interdits », a lancé le propriétaire à la veille de l’entrée en vigueur de la loi.

Il sera toujours possible de consommer les bières sur place, mais la vente à la bouteille dans les dépanneurs sera freinée. La Loi sur la Régie des alcools, des courses et des jeux et la Loi sur la protection des consommateurs, qui exigent que la saveur de cannabis soit indiquée sur les produits, viennent s’entrechoquer à l’article 50 de la loi, qui interdit les produits faisant la promotion de cette substance.

M. Guimond continue à croire que les bières créées dans sa brasserie répondent à un certain besoin. « Beaucoup de gens sont curieux. Certains se disent “Je me demande ce que ça goûte le cannabis, mais je n’ai pas envie d’en fumer. Je vais donc boire une bière qui a la même saveur, sans avoir les effets secondaires” », soutient-il.

Pas la fête pour tout le monde

Maître Jean Dury, avocat criminaliste spécialisé en lois liées au cannabis explique que c’est cette contradiction qui rend ce cas plus complexe qu’il en a l’air. « Techniquement, si on se retrouvait avec le cas de la vente dans la brasserie uniquement, on pourrait attendre un constat d’infraction et se battre en cours. […] Le plus gros problème, c’est que les dépanneurs ne voudront plus de ça, ils ne voudront plus vendre ces produits », dit celui qui représente le Saint-Bock dans un litige l’opposant au gouvernement provincial.

L’article 50 interdit aux commerçants de vendre toute marchandise associée au cannabis. Il est également interdit de vendre des produits à saveur de cannabis, même si ces derniers ne contiennent pas de substances cannabinoïdes, tels que du THC. « Cette loi ferme beaucoup de portes aux entreprises d’ici. Les commerçants affectés vont juste aller s’installer ailleurs au Canada », explique la conseillère juridique de Consult&Grow Samantha Di Done, également responsable du dossier.

Les discussions sur le dossier sont toujours en cours, selon les responsables du projet.

Une question d’idéologie

Selon Martin Guimond, la légalisation du cannabis et la construction des lois qui l’encadrent sur une plus grande période de temps auraient pu jouer en faveur des commerçants concernés. Le porte-parole du Bloc pot Hugô St-Onge insiste pour dire que les failles et les contradictions dans les lois ne résultent pas d’un manque de temps. « C’est plutôt une question d’idéologie. […] Les lois sur le cannabis appliquées en ce moment sont mises en place de façon à avantager qu’un petit groupe de personne. […] Le cannabis est encore illégal. On en a juste instauré un qui ne l’est pas », affirme-t-il.

photo: SARAH XENOS MONTRÉAL CAMPUS

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