« Lemonade » : fuir vers son exil

Entre les problèmes financiers, les chocs culturels, un mariage plus fortuit que sincère et des abus de toutes sortes, Lemonade expose l’histoire d’une famille roumaine qui se heurte à une terre d’accueil américaine austère, dure et sans merci, là où même les plus grands efforts sont rarement récompensés.

Présenté au Festival du nouveau cinéma (FNC) hier soir, le long métrage de la réalisatrice roumaine Ioana Uricaru retrace le dur exil de Mara (Mãlina Manovici), infirmière et mère monoparentale et de son fils de neuf ans, Dragos (Milan Hurduc). Les changements sont difficiles pour celle qui quitte son pays natal avec l’espoir lointain du rêve américain. Une nouvelle embûche survient chaque fois qu’elle croit s’en sortir, l’obligeant à mettre les bouchées doubles pour conserver la nouvelle vie qu’elle a réussie à se bâtir.

C’est d’ailleurs de ce sentiment de résilience presque impossible que découle le titre du film. « Lemonade vient de l’expression anglaise “’When life gives you lemon, make lemonade”, qui encourage à tourner les choses négatives en un résultat positif », explique la réalisatrice, qui trouve que l’adage représente bien le mode de pensée américain. « C’est quelque chose que j’ai souvent entendu quand j’ai moi-même immigré là-bas, et je trouvais que malgré le positif de l’expression, il y restait quelque chose d’assez ironique », livre-t-elle.

Étrangers et voisins

Tourné à Montréal, le long métrage est filmé dans des teintes récurrentes et froides de bleu, de jaune et de brun terne, laissant un voile vieillot sur l’image malgré l’actualité des propos qui y sont présentés.

La musique de fond étant complètement absente de l’œuvre, ce sont les bruits et les sons, enregistrés lors du tournage et ajoutés en postproduction, qui donnent au film son caractère oppressant. Le manque de musique apparaît alors comme une confrontation et l’accent est mis sur les dialogues, mi-anglais, mi-roumains, ainsi que sur les sons banals, mais agressants de la ville et des voitures.

Les mouvements de caméra, qui suivent les personnages très rapidement ou qui s’attardent sur des plans statiques où les protagonistes se trouvent souvent de dos, viennent également renforcer cette impression d’être pris au piège.

Se donner le choix

À part quelques coups de fil de Mara à sa mère, tout ce qui se passe en Roumanie est laissé hors-champ, autant la vie passée de la protagoniste que les raisons qui l’ont poussée à quitter son mari et à fuir son pays natal. « Je crois que n’importe quelle personne qui fait le choix de repartir à zéro fuit évidemment quelque chose, […] mais ce n’est pas ce qui est important, dans cette histoire-ci », réfléchit la réalisatrice, qui s’est inspirée de fragments de témoignages d’immigrants pour bâtir son histoire. « On devrait avoir la liberté de faire ce genre de choix même pour des raisons personnelles et intérieures, que l’on ne doit expliquer à personne », commente-t-elle.

Aux détours de l’histoire apparaissent des visages amicaux, sous la forme d’une amie roumaine ayant elle aussi immigré aux États-Unis, d’une employée polonaise ou d’un avocat serbe. Ces étrangers se serrent alors les coudes, se considérant comme voisins malgré le fait qu’ils ne se connaissent pas, se retrouvant davantage dans l’identité de l’autre que dans celle de n’importe quelle personne rencontrée sur leur terre d’accueil.

Jouant sur des rapports de pouvoir où l’autorité a toujours le dessus même lorsqu’elle a tort, le film comporte son lot de scènes crues. L’agressivité présente dans les gestes et les paroles de certains personnages ainsi que leur intolérance face à la différence sont souvent révoltantes. La solidarité redonne toutefois une note de douceur au récit qui, sans elle, serait sans doute difficile à regarder, même s’il s’agit de la réalité de plusieurs.

Lemonade sera présenté le vendredi 12 octobre au cinéma du Parc dans le cadre du FNC.  

photo: FESTIVAL DU NOUVEAU CINÉMA

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