La recherche féministe participative en quête de popularité dans les universités

La recherche féministe participative permet de mieux améliorer la condition des femmes que la recherche féministe traditionnelle, selon les coauteures du Guide pour faire de la recherche féministe participative.

Le guide, coécrit par Myriam Gervais, Sandra Weber et Caroline Caron, a pour mission d’aider les professeurs à mieux comprendre et enseigner cette méthode de recherche. Il souhaite aussi faire connaître cette procédure pour qu’elle soit davantage utilisée dans la communauté universitaire.

Cette approche permettrait alors de poser directement des actions dans la vie des femmes. « C’est une recherche qui fait participer les femmes. Elle permet de s’ancrer dans la réalité des participantes pour résoudre un problème important pour elles », précise la coauteure du guide et professeure à l’Université McGill Myriam Gervais.

L’une de ses études porte d’ailleurs sur la condition des femmes rurales de l’Afrique de l’Ouest et du Rwanda. Durant la recherche, les femmes ont souligné le manque d’écoute et le manque de reconnaissance de leur savoir dans leur société. Cette procédure leur a donc permis de discuter ensemble de leurs conditions de vie et de trouver des pistes de solution à ce problème.

Cette méthode de recherche est donc un travail de collaboration permettant aux femmes de participer durant tout le processus de travail. « Les participantes […] aident à déterminer le sujet de la recherche, à cueillir l’information, à analyser les données et à diffuser les résultats », explique Mme Gervais.  

Dans le domaine de la recherche traditionnelle, ce sont plutôt les chercheurs qui choisissent le sujet à analyser et les questions. « La recherche féministe participative prend en considération le savoir des participantes tout autant que celui des chercheurs », ajoute Mme Gervais.

Pour aider les participantes à collaborer à l’analyse, plusieurs techniques sont utilisées, telles que les méthodes visuelles participatives. Celles-ci sont utiles pour exprimer un point de vue à travers divers supports comme le photovoix, qui permet d’exprimer en photo ce que les participantes ressentent face à la problématique analysée.

Un guide utile pour les chercheurs et professeurs

Pour la professeure à la Faculté de communication de l’UQAM Caterine Bourassa-Dansereau, ce guide lui sera utile dans l’enseignement de la méthode. « Je vais l’utiliser […] comme outil à transmettre à mes étudiants qui sont intéressés à faire de la recherche féministe participative. Je pense qu’il y a déjà des guides intéressants dans la recherche participative en général, mais beaucoup moins en féminisme », dit-elle.

« On s’est appuyé sur nos expériences pratiques pour guider les étudiants et chercheurs à traverser les enjeux auxquels on est confronté au moment de l’élaboration et l’application de la recherche », ajoute Mme Gervais.

Manque de popularité

Mme Bourassa-Dansereau croit qu’il peut être difficile pour les étudiants et professeurs d’avoir recours à cette méthode, puisqu’elle combine deux types de disciplines. « Dans la recherche participative en général, on demande beaucoup d’investissement. Aussi, l’étudiant ou l’étudiante n’a pas le contrôle sur le déroulement du travail, car il peut rapidement changer », souligne Mme Bourassa-Dansereau. La combinaison entre deux approches peut expliquer le manque de popularité chez les professeurs et étudiants.

Selon la chargée de cours en littérature anglaise à l’Université McGill et candidate du Parti québécois dans la circonscription de Sainte-Marie-Saint-Jacques, Jennifer Drouin, cette approche n’est pas commune. « Je n’ai jamais connu cette méthode de recherche avant, on n’en parle pas dans les études féministes que je connais », reconnaît-elle.

Pour celle qui a toujours basé ses travaux selon un point de vue féministe, cette méthode ressemble davantage à de l’activisme que de la recherche et n’est pas utile en littérature féministe. « Ça pourrait être plus utile dans une matière plus concrète sur le terrain, comme la sociologie », ajoute-t-elle.

Redéfinition du rôle de chercheuse

Selon Myriam Gervais, la littérature francophone portant sur la recherche féministe participative comporte des lacunes lors de son application sur le terrain. « On doit partager le pouvoir et intégrer le savoir des femmes dans le cadre de l’analyse. Cela pose plusieurs problèmes sur le plan de l’organisation des rapports avec les participantes et sur le plan des enjeux éthiques, car on doit respecter la parole des participantes », mentionne-t-elle.

Le manque de temps pourrait aussi expliquer cette faible popularité chez les étudiants aux études supérieures. « Un des éléments très importants dans la recherche est de l’organiser en fonction des contraintes des participantes », dit la chercheuse.  

Dans la recherche féministe participative, les chercheurs doivent moduler l’échéancier de la recherche en fonction du temps disponible des participantes. Ces contraintes peuvent demander de la flexibilité, du temps et du respect envers celles-ci. « C’est à nous de s’adapter [à elles] et non l’inverse », ajoute Mme Gervais.

photo: LUDOVIC THÉBERGE MONTRÉAL CAMPUS

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