Vendre du rêve

Le 14 janvier dernier, la Fondation de l’UQAM a lancé la plus grande campagne de financement de son histoire. Une campagne de 100 millions de dollars pour 100 millions d’idées. Une campagne d’ampleur pour une grande université.

Peu importe ce qu’on en dira, l’Université du Québec à Montréal est une grande université. Avec ses enjeux, certes, mais qui offre depuis près de 50 ans l’accès à une éducation supérieure de qualité et qui prône des valeurs de justice et d’égalité.

Cette campagne de financement arrive à point nommé pour une université qui n’en termine plus de décrépir. Le départ de Lise Bissonnette du conseil d’administration, il y a quelques semaines, en a surpris plus d’un. L’ex-directrice a profité de l’attention médiatique pour souligner à grands traits l’écart grandissant entre universités publiques et universités à charte ainsi que le fatalisme de la classe politique à l’égard de l’UQAM.

La Fondation de l’UQAM a réalisé un travail remarquable pour cette campagne, tant pour le projet que pour la campagne publicitaire déployée. C’est une campagne de financement éclatée, qui parle aux gens. L’approche n’est pas révolutionnaire, mais elle est rassembleuse et efficace.

Il est rafraîchissant de voir la direction de l’UQAM mettre de l’avant la philanthropie à l’UQAM, cette culture qui a souvent mauvaise presse et qui est sous-développée à l’Université. Alors que les anglophones sont des philanthropes reconnus depuis des générations, chez les francophones, la philanthropie tire encore de l’arrière, particulièrement au public.

La campagne « 100 millions d’idées » devient alors une fenêtre sur ce que pourrait devenir l’UQAM si elle avait accès au financement et à l’appui des autres universités à charte.

Maintenant, si je peux me le permettre, j’aimerais apporter un bémol. Ou plutôt, un souhait.

Avec l’argent amassé, l’UQAM souhaite investir dans les bourses étudiantes et augmenter leur nombre. L’UQAM devra se rappeler que les étudiants en difficulté financière, qui jonglent entre emploi à temps partiel, stage non rémunéré et loyer à payer, ont probablement moins de chances de respecter les critères académiques. Les étudiants issus de minorités sont également dans une situation particulière. Par exemple, comment l’UQAM compte-t-elle venir en aide aux étudiants autochtones si elle ne peut même pas les dénombrer? Comment l’UQAM compte-t-elle pousser plus loin ses étudiants si les chargés de cours ne se sentent pas valorisés dans leurs conditions de travail?

Les stages rémunérés peuvent aussi améliorer les conditions de travail des étudiants. Les étudiants en enseignement, entre autres, militent pour la rémunération de stages qui retiennent plus d’un véritable travail. Ceci porte à réfléchir sur la valeur qui est accordée à leurs efforts et leurs revendications.

Pour appuyer la réussite des étudiants, pourquoi ne pas ouvrir l’accès aux infrastructures?

Les étudiants ont remporté une bataille avec l’augmentation des heures d’ouverture des bibliothèques, mais qu’en est-il des étudiants qui ont besoin de salles particulières pour leurs travaux, comme les étudiants en cinéma ou en théâtre?

L’UQAM veut investir dans le Coeur des sciences et dans l’École des sciences de la gestion. L’UQAM peut bien mettre de l’avant les sciences, les technologies et l’entrepreneuriat dans sa campagne. Ces étudiants rapportent de l’argent et de la renommée à l’UQAM. On le sait et c’est normal : un médecin gagne plus qu’un prof de philo. Mais il ne faut pas pour autant mettre de côté les sciences humaines ou les communications. Peu importe ce qu’on en dit, l’UQAM excelle dans ces domaines et elle doit en être fière. Elle ne doit pas oublier ces programmes qui, malgré leur réputation de « sciences molles », sont sa force.

L’UQAM veut investir pour offrir un meilleur environnement à ses étudiants. Toutefois, tous les groupes étudiants devraient faire partie de la liste. Cette campagne de financement pourrait apporter énormément de positif et redonner du galon à l’université, si elle ne se limite pas à l’ESG et aux nouvelles technologies.

Qu’en sera-t-il des employés de la Fondation de l’UQAM, par exemple, dans les prochains mois ou les prochaines années? Depuis plus de deux ans, ceux-ci tentent de négocier des salaires plus équitables et stables avec la direction. Une fois l’argent amassé, les employés obtiendront peut-être enfin gain de cause.

Les revendications étudiantes sont multiples, nécessaires et criantes. Les personnes LGBTQ+, les étudiants autochtones, les parents étudiants, les étudiants employés, les étudiants en difficulté d’apprentissage. J’en oublie, mais ils forment tous la communauté étudiante et la direction ne peut les oublier dans une campagne aussi majeure.

Mon seul souhait, c’est que les fonds amassés par la Fondation servent aux étudiants, pas juste à des projets flamboyants qui, au final, ne touchent qu’une petite partie de la communauté étudiante. Les besoins sont trop grands. On ne peut continuer à investir uniquement dans ce qui rapporte. L’éducation est un service, pas une entreprise.

Bravo pour l’idée, les 100 millions d’idées. J’espère qu’elles permettront d’amasser des centaines de millions. Il est grand temps que l’UQAM se donne les moyens de ses ambitions.

 

Illustration : VINCENT LAPOINTE

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