Lettre à nos nobles

Le mois de janvier était d’un froid qui méprisait ceux ne portant pas quatre chandails en pelures d’oignon. Outre les pincements de l’hiver, un départ sonna le glas dans le clocher profane de l’UQAM. Lise Bissonnette, alors présidente du conseil d’administration de l’université, quittait en s’efforçant de claquer la porte pour faire le plus de bruit possible. Elle critiquait la déconsidération de l’UQAM par les politiques. Oyez, oyez peuple étudiant! Dans les hautes sphères, nul ne s’affaire à vous considérer comme égal.

En 2017, le Fonds d’investissement stratégique (FIS), une enveloppe commune des deux paliers gouvernementaux, provincial et fédéral, a attribué 730 millions de dollars au Québec pour des projets de développement en éducation supérieure. De ces 730 millions, seulement 10,5 millions ont été remis à l’UQAM. À titre comparatif, l’Université de Montréal a reçu plus de 250 millions et l’Université Concordia, près de 37 millions.

Ces chiffres exemplifient par des faits quantitatifs comment la réputation de l’UQAM est mise à mal. Les murs des corridors parlementaires n’ont pas d’oreilles, ou du moins, je n’y ai pas posé les miennes. Par contre, aux dires de Mme Bissonnette, les discussions n’y sont pas élogieuses.

La présidente du CA quitte. Je crains que cette démission, pour des motifs politiques, ne soit corollaire d’un désengagement des administrateurs de l’université envers la défense de la cause uqamienne devant la députation québécoise. Je ne veux pas teinter ce discours d’une couleur orwellienne, mais sommes-nous proches du précipice lorsqu’on parle d’enseignement supérieur dans les universités publiques?

Aux politiques qui se défendent de n’avoir jamais égaré leur jugement en prêchant pour leurs paroisses déjà nanties, je vous exprime mon dégoût lorsque je tourne l’angle de chaque rue du Quartier latin. Quand je vois les lettres U.Q.À.M. en néons blanchâtres qui se reflètent dans les yeux cernés de mes pairs, je vous trouve injustes de minimiser notre lieu d’enseignement. Je n’aime pas que vous apposiez une étiquette condescendante sur nos études. Je n’étudie pas pour l’obtention d’un baccalauréette et ni d’une maîtrisette. Par contre, votre mépris qui nous crache une petitesse, je m’y oppose. Ce n’est pas la forme qui fait la grandeur d’une institution.

Pour l’anecdote, je vous assure que les cours que j’ai suivis à cette prestigieuse Sorbonne parisienne étaient bien moins exigeants que mes classes de fin fond de corridor brun. J’aurais voulu dire le contraire; j’adore les auditoriums et je m’imaginais assise au pupitre de Beauvoir. Et pourtant…

Les universités à charte se différencient d’un seul trait, elles sont nées avec une cuillère d’argent à la bouche. Sommes-nous si différents que nous ne méritions pas du gouvernement une chance équivalente de réussir? Peut-être, car dans les corridors, ce bruit court. Lorsque, de la bouche même des étudiants de l’UQAM, j’entends dire que nous sommes dans un gros cégep, j’avoue vos objectifs atteints. Les étudiants perpétuent le mépris, dont ils sont la cible. Ils l’ont intégré.

Lise Bissonnette décriait en entrevue au Montréal Campus le caractère systémique de votre dédain. Vous avez fréquenté les universités de la montagne et avez correctement intériorisé ce que mont Royal signifiait. Je regrette que nous ne soyons pas plus d’Uqamiens en vos rangs; ça changerait peut-être les choses. J’espère un revers de situation, car la privatisation s’accélère.

2018, c’est la renaissance du débat sur les écoles privées subventionnées… et visiblement, l’effacement du débat de l’accessibilité universitaire comme un enjeu concret et urgent.

Un slogan chanté lors des initiations de début d’année disait : « On aime le U, surtout le Q [cul] à Montréal, le U, le Q à Montréal…! » Ces paroles résonnaient comme de vulgaires chants rassembleurs. Aujourd’hui, j’aimerais bien que nous les entonnions en choeur, car malgré les stratégies de dévalorisation de votre élite, moi, j’aime les lettres qui figureront sur mon diplôme.

Si le Montréal Campus se fait un plaisir de dénoncer le manque d’argent, la fermeture des chaires et le ridicule de certaines décisions administratives, c’est parce que la grandeur du projet d’universités publiques et accessibles devrait s’inscrire dans une tradition de performance et de créativité. Ce projet va bien plus loin que ce que vous nous permettez actuellement de mettre en branle avec les grenailles de financement accordées.

 

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