Peu de place pour les femmes à la tête des chaires du pays

Trente pour cent : c’est le pourcentage de chaires universitaires du Canada dirigées par des femmes, selon des données publiées par le gouvernement canadien en novembre dernier. Un chiffre qui met en lumière les efforts qui restent à faire dans le paysage de la recherche universitaire.

Les titulaires féminines ont fait des progrès intéressants au tournant du siècle alors que le pourcentage de représentation des femmes à la tête de chaires de recherche est passé de 15 à 30 % en cinq ans. Depuis 2004, ce pourcentage a toutefois stagné.

« C’est assez représentatif de l’intégration des femmes dans le milieu scientifique d’il y a une vingtaine d’années, affirme la titulaire de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine urbain, Lucie K. Morisset. Quand je suis devenue professeure [à l’époque], j’étais l’une des seules femmes de mon département. »

Les chaires de niveau deux, tenues spécifiquement par des chercheurs émergents, ont tout de même vu une augmentation de la proportion de femmes d’environ 6 % entre 2011 et 2015. Dans les établissements de niveau un, où œuvrent des chercheurs « reconnus », le portrait est moins encourageant. Le pourcentage de titulaires féminines y est demeuré à 17 % pour la même période.

« Les chaires sont un microcosme de la société dont les problèmes sont décuplés en raison de la technocratie croissante dans les universités, qui a tendance à rendre ce travail moins attirant et moins intéressant que d’autres », analyse Mme Morisset.

Le portrait est légèrement différent dans les chaires de l’UQAM qui ne sont pas associées directement au gouvernement fédéral. « Dans les chaires stratégiques UQAM, nos chaires institutionnelles, nous en sommes à 50 % [de représentation féminine] », constate la vice-rectrice à la Recherche et à la création de l’UQAM, Catherine Mounier. En effet, dix femmes titulaires oeuvrent parmi les vingt chaires stratégiques de l’UQAM.

Conciliation encore difficile

Parmi les nombreux facteurs qui expliquent ces chiffres, il y a celui de la conciliation travail-famille. Selon la doctorante à la Chaire de recherche du Canada en patrimoine urbain, Myriam Joannette, de nombreux projets de recherche sont abandonnés ou repoussés en début de carrière pour des raisons familiales.

« Tant qu’il y a une volonté d’organiser des projets de recherche qui tournent autour de réalités familiales et féminines, il y a moyen de faire un recrutement plus actif auprès des jeunes femmes », ajoute-t-elle.

Mme Morisset rencontre régulièrement de jeunes femmes au doctorat qui ne veulent pas devenir professeures universitaires. Il s’agit d’un phénomène qu’elle attribue aux conditions de vie causées par la conciliation travail-famille.

Préparer le futur

C’est en recrutant de jeunes étudiantes aux cycles supérieurs que les titulaires interrogées pensent pouvoir réduire le fossé actuel. La présence d’une femme comme titulaire peut d’ailleurs servir d’outil de promotion auprès de jeunes chercheuses.

« C’est certain qu’il y a un manque de modèles féminins à la tête des chaires, insiste la titulaire de la Chaire de recherche UQAM sur l’égalité des genres à l’école (CREGE), Isabelle Plante. On a cette idée que le métier de chercheur se fait seul, alors qu’il y a beaucoup de collégialité. Avoir plus de femmes, ça attire les chercheuses moins expérimentées. »

La compréhension des titulaires féminines face aux difficultés rencontrées par les chercheuses en début de carrière peut donc être un atout. Si la titulaire a déjà vécu des difficultés dans sa conciliation travail-famille, par exemple, elle sera d’autant plus sensibilisée à la réalité de ses plus jeunes collègues.

« Avoir une femme titulaire a une importance fondamentale, dans la mesure où les explications ne sont jamais nécessaires, avance Myriam Joannette. Ça fait en sorte que la famille et les horaires sont aménagés. Je ne dis pas que les hommes n’ont aucune considération pour ça, mais je crois qu’une femme peut amener une transition plus naturelle. »

« Comme femme et titulaire de chaire, mon laboratoire est un milieu d’accueil où une femme ne va pas être pénalisée parce qu’il faut qu’elle s’occupe d’un enfant, établit Mme Morisset. Dans les colloques que j’organise, il y a presque autant d’enfants que de chercheurs, parce que tout le monde peut venir avec ses enfants. »

Mesures à adopter

Dans la dernière décennie, plusieurs mesures ont été prises pour équilibrer la proportion de chercheurs et de chercheuses dans les chaires universitaires du Canada. Des plans d’action en matière d’équité ont entre autres été instaurés dans les établissements de recherche, de sorte que des objectifs stricts sont désormais imposés.

Entre 2009 et 2011, le gouvernement fédéral fixait une première cible de représentation féminine à 25 %. Celle-ci est passée à 28 % pour la période s’étirant de 2012 à 2014, puis à 31 % de 2015 à 2017. Selon la vice-rectrice à la Recherche et à la création de l’UQAM, Catherine Mounier, ce sont des quotas de ce type qui vont faire avancer la cause de la représentation féminine en recherche.

« Il faut leur laisser un peu le temps de trouver des candidates, mais toutes les institutions québécoises sont prêtes à faire des efforts », lance-t-elle.

« Je préfère parler de la promotion d’un objectif plutôt qu’un quota, note Isabelle Plante. Ça a été démontré qu’avoir des buts comme ceux-là, ça peut fonctionner. Au sein des gouvernements, par exemple, nous avons vu accroître considérablement le nombre de femmes. »

 

photo : MARTIN OUELLET MONTRÉAL CAMPUS

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