Balles de plastique : les victimes au coeur de la contestation

Alors que le débat sur l’utilisation des balles de plastique pour le contrôle de foule refait surface, des victimes et des citoyens lancent le collectif Manifester sans peur, qui vise à interdire l’utilisation de cette arme lors des manifestations.

Une étude publiée en décembre 2017 par la revue médicale britannique BMJ Open révélait que les balles de plastique ou de caoutchouc comme celles utilisées par les policiers dans les manifestations au Québec tuent en moyenne une personne sur 37.

« Ce sont des armes mortelles. Lorsqu’elles sont utilisées, nous sommes en droit de qualifier l’utilisation de ces armes de tentative d’assassinat par les corps de police », dénonce un membre du collectif Manifester sans peur, Maxence Valade, qui a lui-même perdu un œil après avoir été atteint au visage par une balle de plastique lors d’une manifestation étudiante à Victoriaville, en 2012.

Mathieu Harvey, lui aussi blessé gravement par un projectile d’impact, décrit l’arsenal des policiers comme étant « complètement disproportionné et […] beaucoup trop dangereux pour la menace à laquelle ils font face ».

Un photographe est atteint par un projectile tiré par un fusil du SPVM lors d'une manifestation au centre-ville le 1er mai 2016.
Un photographe est atteint par un projectile tiré par un fusil du SPVM lors d’une manifestation au centre-ville le 1er mai 2016.

Les membres du collectif dénoncent également la manière dont les corps policiers ont réagi à l’état des victimes blessées par leur équipement. Le cas de Francis Grenier, qui a perdu l’usage d’un œil après avoir été heurté par une grenade assourdissante du Service de police de la ville de Montréal (SPVM), est l’un des exemples soulevés.

« Les policiers se présentent très rapidement à l’hôpital, viennent nous questionner alors que nous sommes sous médication, dans un état de coma, afin de nous faire dire que nous avons été blessés par autre chose que des armes utilisées par les corps de police», explique Maxence Valade.

« Il y a de grosses lacunes. Le côté humain semble complètement absent », ajoute Francis Grenier, questionné sur la prise en charge des événements par le SPVM à la suite de sa propre blessure.

Chez les victimes des armes intermédiaires, un constat est récurrent : au-delà des séquelles physiques et psychologiques, l’impact se fait toujours ressentir sur leur entourage. Le choc traumatique causé par les événements laisse place à une crainte des manifestations et un grand sentiment d’injustice envers l’institution policière.

Des armes intermédiaires au SPVM

À Montréal, le SPVM affirme utiliser les armes intermédiaires d’impact à projectiles (AIIP) avec prudence, optant pour une balle avec une cartouche de gel causant un impact nettement moins puissant que les projectiles de plastique AR-1 utilisés par la Sûreté du Québec (SQ).

« L’AIIP est utilisée de façon préventive afin de protéger l’intégrité des policiers et des citoyens. L’arme n’est pas utilisée aléatoirement dans une foule. Il est important de souligner qu’aucune blessure n’ait été signalée depuis le début de son utilisation en 2003 », explique le SPVM dans un échange de courriels avec le Montréal Campus.

Plusieurs utilisations hasardeuses des AIIP ont pourtant été répertoriées sur les réseaux sociaux depuis 2012, à la suite des manifestations encadrées par le groupe tactique d’intervention (GTI) du SPVM.

Le service de police mentionne également que « le type d’arme ARWEN est seulement utilisé par le GTI lors de situations d’interventions armées », alors que le lance-grenade est pourtant fréquemment déployé par les policiers lors des manifestations montréalaises.

Dans une entrevue accordée jeudi au journal Métro, la responsable de la sécurité au comité exécutif de la Ville de Montréal, Nathalie Goulet, a réitéré la promesse de Projet Montréal d’interdire l’utilisation des balles de plastique par le SPVM.

Un policier du SPVM est armé d'un ARWEN 37 lors d'une manifestation à Montréal le 4 mars 2017.
Un policier du SPVM est armé d’un ARWEN 37 lors d’une manifestation à Montréal le 4 mars 2017.

Des inquiétudes pour le G7

Les membres du collectif Manifester sans peur, fondé le 6 février dernier, ont maintenant le regard porté vers le prochain G7, qui aura lieu le 8 juin prochain à Charlevoix. Pour plusieurs, l’événement rappelle le Sommet des Amériques tenu en 2001, où Mathieu Harvey, alors âgé de 16 ans, a failli perdre la vie après avoir été atteint à la tête par une balle de plastique tirée par un policier.

Lors de cet événement, les policiers de la SQ et de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) avaient tiré près de 900 balles de plastique en seulement trois jours. « Il y a une inquiétude, et elle est vraiment grande. On va vraiment pousser pour que ces armes soient interdites. C’est notre objectif à très court terme », déclare la membre du collectif, Lynda Khelil, également étudiante à la maîtrise en science politique à l’UQAM.

Dans un courriel envoyé au Montréal Campus, le ministère de la Sécurité publique du Québec (MSP) précise qu’il pourrait bientôt y avoir un plus grand encadrement de l’utilisation des AIIP. « Des travaux de mise à jour de cette pratique policière seront entrepris prochainement par le MSP et le sous-comité consultatif en emploi de la force. Ces travaux viseront à préciser davantage la pratique existante », peut-on lire dans le courriel.

 

photos : MARTIN OUELLET MONTRÉAL CAMPUS

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