Destierros : en quête d’une vie meilleure

Le documentariste Hubert Caron-Guay braque sa caméra sur des migrants d’Amérique centrale qui traversent le Mexique en quête d’une vie meilleure, la boussole pointée vers le nord, dans son premier long métrage Destierros.   

Hubert Caron-Guay est un créatif discret. Quand il s’exprime, c’est avec une voix douce. Son cinéma est à son image : en tant que réalisateur, il s’efface pour mieux laisser la parole aux personnages de ses documentaires.

Destierros est un enchevêtrement de témoignages individuels tournés dans la pénombre et à l’aide d’une caméra immersive, au cœur de l’intimité angoissante du transit. « Les difficultés reliées à l’immigration, ce n’est pas juste la décision de partir, ce n’est pas juste le trajet, c’est aussi l’aspect psychologique », raconte le cinéaste, titulaire d’un baccalauréat en cinéma de l’UQAM.

Les ombres fuyantes

Pour en découvrir davantage sur les migrants du Honduras, du Guatemala et du Salvador, il se porte volontaire pendant quelques semaines en 2014 dans des refuges mexicains où les expatriés transitent temporairement, le temps de quelques repas et d’une nuit de sommeil presque paisible. Ces refuges seront son point de départ, deux ans plus tard, pour le tournage de Destierros.

Tourné en deux mois et demi, le documentaire parvient à dresser un portrait humaniste des exilés. Avec son économie de narration et de mise en contexte, Destierros a une signature quelque peu mystique. « J’avais la volonté de traduire des impressions. Pour moi, la force du cinéma, c’est de créer du sens en collant des images », explique le cinéaste.

Destierros signifie « bannissement ». « La majorité des gens ne quittent pas leur pays par volonté. Ce n’est pas un vrai choix de partir, les gens sont repoussés, justifie Hubert Caron-Guay. ls ne sont bien accueillis nulle part, ils ne peuvent se sentir chez eux, en sécurité. »

Banalité de la violence

Salvador, Honduras, Guatemala : ces trois pays forment ce qu’on appelle le Triangle du Nord. Les taux d’homicides y atteignent des sommets, ce qui résulte en une véritable crise humanitaire.

En 2016, le nombre de meurtres par 100 000 habitants était de 81 au Salvador et de 59 au Honduras, selon l’institut de recherche Council on Foreign Relations. En comparaison, au Canada, il était de 1,68 en 2016, selon Statistique Canada.

Cette violence s’explique en partie par la présence de groupes criminels violents, les « maras ». Leur influence généralisée et la pauvreté ambiante poussent beaucoup de jeunes à rejoindre leurs rangs.

Se confiant au cinéaste, un jeune homme de dix-sept ans atteste du risque important qui pesait sur sa vie au Salvador. Un jour, sur le chemin de l’école, il s’est fait menacer de mort par des « mareros » qui cherchaient à le recruter. Le lendemain, c’était au tour du gang rival de s’en prendre à lui. Ces caïds appartenaient à la « Mara Salvatrucha » et à la « 18th Street Gang », les deux plus puissantes organisations criminelles d’Amérique centrale.

La réalité politique

Ce témoignage ainsi que d’autres étaient projetés lors d’une conférence de la Chaire Raoul-Dandurand la semaine dernière. Celle-ci était animée par la candidate à la maîtrise en science politique Andréanne Bissonnette, qui écrit présentement son mémoire sur les droits des femmes migrantes sans-papiers aux États-Unis.

Elle a pointé les difficultés de plus en plus importantes que doivent surmonter les migrants, alors que les États-Unis délèguent en partie la responsabilité de la frontière au Mexique. Ainsi, des contrôles d’immigration et des déportations ont désormais lieu sur le territoire mexicain, avant même que les migrants ne posent pied sur le sol américain.

Cela a comme effet pervers de repousser les migrants vers des voies plus dangereuses, soutient Andréanne Bissonnette. Pour autant, l’augmentation constante du nombre d’immigrants en provenance du Triangle du Nord aux États-Unis ces dernières années n’est pas freinée, souligne-t-elle.

Ce serait même tout le contraire, selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés : le nombre de demandes d’asile de ressortissants du Guatemala, du Honduras et du Salvador a bondi de 597 % à l’échelle mondiale entre 2010 et 2015.

 

photo : SANDRINE GAGNÉ-ACOULON MONTRÉAL CAMPUS

Le réalisateur du documentaire Destierros, Hubert Caron-Guay. 

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *