Listes d’attente de 18 mois pour les victimes d’agressions sexuelles

Les centres d’aides contre les agressions sexuelles (CALACS) reçoivent de plus en plus de demandes de rencontres avec des intervenantes, allant jusqu’à 533 % d’augmentation depuis les 3 dernières semaines et 18 mois d’attente pour qu’une victime obtienne un rendez-vous.

Les CALACS ont reçu le 13 novembre les fonds promis en octobre par la ministre Hélène David, mais des intervenantes du milieu craignent qu’avec l’explosion du nombre de demandes, les fonds seront rapidement écoulés.

Pour Marie-Claude Plourde, victime d’agression sexuelle armée par un inconnu il y a sept ans, le chemin vers la guérison a été long. C’est dans ce processus qu’elle a découvert le Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC), qui lui a permis de « s’en sortir en extériorisant, de comprendre comment on se sent, que ce n’est pas normal de vivre ça » et surtout d’avoir trouvé de la « compassion ».

Le réseau québécois des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) souligne que les demandes sont en hausse entre « 100 et 533 % » depuis les dernières semaines, selon les régions. Des chiffres alarmants pour ces organismes qui portent à se questionner sur l’accès au soutien apporté aux victimes qui cherchent aujourd’hui à témoigner.

Pour les intervenants, l’important est de donner de l’aide à long terme aux femmes qui les contactent. Il faut « surtout leur faire comprendre qu’il y a des gens qui les croient, réussir à mettre des mots sur ce qu’elles ont vécu, faire disparaître le sentiment de culpabilité et de honte qu’elles éprouvent souvent », expose l’agente de communication pour les CALACS Stéphanie Tremblay.

Criminologue, porte-parole et coordinatrice du CAVAC, Marie-Christine Michaud explique que dans les jours qui ont suivi les premiers scandales, cinquante appels en plus par jour ont été enregistrés, « autant par des hommes, des femmes et des enfants. » Ces chiffres restent toutefois confidentiels.

Experts en post-trauma et en psycho-socio-judiciaire, les intervenantes du CAVAC sont à la fois présents pour les victimes d’agressions, qu’elles déposent plainte ou non, et pour leurs proches. Comme l’explique Mme Michaud, « on ne conseille pas les victimes ou leur famille, on ne leur dit pas quoi faire, mais on leur donne tous les outils pour qu’elles puissent prendre une décision. »

Marie-Claude Plourde collabore auprès du CAVAC aujourd’hui. Dans son blogue, la doctorante en communication de l’UQAM rappelle à ceux qui ont vécu des faits similaires l’importance de « parler à ceux qui ont cultivé leur connaissance, et perfectionné leur expertise au fil des expériences».

Manque de temps et de financement

Le manque de financement se fait de plus en plus ressentir ces dernières semaines, notamment dans les CALACS. Ils n’ont pas eu de nouvel investissement de « manière récurrente » depuis maintenant dix ans, explique Stéphanie Tremblay.  Elle affirme que le nombre d’intervenantes dans les centres dépend des financements que ceux-ci reçoivent. Généralement, on compte « de deux à huit intervenantes dans les centres », dit-elle.

La multiplication des demandes dans les centres, parfois par six, entraîne une fatigue physique, mentale et émotionnelle pour ces intervenantes. Elles se voient souvent dans l’obligation de refuser des demandes de victimes, mais surtout celles des écoles. Stéphanie Tremblay souligne que « ce sont des refus qui nous brisent le coeur, mais nous n’avons pas le choix. » Pour Mme Plourde, il faut « éviter de régler le problème plus tard, car c’est dans l’urgence que les victimes ont le plus besoin d’aide, c’est un travail qu’il faut faire en amont ».

Un appel à l’aide

La ministre responsable de la Condition féminine, Hélène David, a débloqué le 19 octobre des fonds d’urgence d’un million de dollars. Ce financement vient d’être perçu par les CALACS, allant de 10 800$ à 28 400$ selon les centres. Même si Stéphanie Tremblay voit du changement dans l’implication du gouvernement et reste confiante, selon elle, ces montants seront écoulés au bout de trois à six mois, car il faut plus de temps pour aider les victimes.

Les fonds serviront également à appuyer des programmes de prévention dans les écoles, chose que le réseau québécois des CALACS fait déjà en collaboration avec les professeurs du Département de sexologie de l’UQAM Manon Bergeron et Martine Hébert ainsi que le programme Empreinte – Agir ensemble contre les agressions à caractère sexuel. Ce projet vise à sensibiliser les jeunes du secondaire, leurs parents et le personnel aux agressions sexuelles à l’hypersexualisation, au consentement, mais aussi au soutien qu’ils peuvent s’apporter les un les autres.

« Le gouvernement n’aura pas le choix de faire quelque chose » face à l’ampleur des demandes qu’il y a à ce jour, continue de penser Marie-Claude Plourde.

Dernièrement, les CALACS ont lancé un nouveau mouvement, « en invitant la population à accrocher une courte chaîne de trombones à leurs vêtements, comme symbole de leur engagement dans la lutte aux violences sexuelles. » Un mouvement de solidarité pour montrer aux victimes et à leurs familles qu’ils ne sont pas seuls, mais aussi pour ne pas laisser ce problème tomber dans l’oubli.

 

graphisme: MARTIN OUELLET MONTRÉAL CAMPUS

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