Le doyen du Département

Connu de presque tous les clients du Département, Évode Bérubé travaille dans les bars de l’UQAM depuis bientôt 30 ans. Le soixantenaire a d’abord étudié à l’UQAM, pour finalement ne jamais quitter l’université, à l’exception de ses quatre mois de vacances par année.

Le Département commence à s’animer dès que l’heure de la fin des cours approche. Évode Bérubé s’est déjà ouvert une bière en s’assoyant. « J’ai fini, il est 16 heures », introduit-il, l’air blagueur. Derrière ses allures de dure à cuire, se cache un grand sensible. Celui qui a fait un certificat en arts plastiques à l’UQAM a finalement travaillé toute sa vie dans les bars de l’université.

C’est un peu par la force des choses que M. Bérubé n’a jamais quitté l’UQAM. « À défaut d’autre chose, je prends ce qui m’est offert, déclare-t-il d’un ton faible. Il faut quand même payer ses prêts et bourses et le bar, c’était une valeur sûre ». Pour un des fidèles du Département, Pierre Nadeau-Lessard, Évode Bérubé est le capitaine du bar. « C’est un pilier, soutient l’étudiant en enseignement de l’art dramatique. C’est l’employé qui est presque toujours présent autant dans le calme que dans les tempêtes ».

Le doyen, qui vient d’atteindre la soixantaine, travaille 40 heures par semaine, du lundi au vendredi. Pierre Nadeau-Lessard fait remarquer la polyvalence de l’homme. « Si on ne le voit pas c’est qu’il est en cuisine, sinon il sera présent avec son sourire pour nous accueillir et nous servir », explique l’étudiant. Pour son anniversaire, M. Bérubé n’a pas fait exception, il a travaillé « comme d’habitude », précise-t-il en esquissant un sourire. L’employé a cette façon de finir ses phrases en riant.

Le Département, cure de jeunesse

Travailler au Département a ses avantages et ses inconvénients, selon M. Bérubé. Pour l’homme originaire de Rimouski, les quatre mois de congé par année que lui permettent son travail sont « parfaits ». Avant, il occupait ses vacances en montant voir sa mère dans sa ville natale. À présent, celui qui adore sculpter a depuis troqué les arts plastiques pour son jardin. « J’ai mon petit terrain, mes petits plants de tomates, mes petits framboisiers, illustre-t-il. Ma blonde dit que j’ai le pouce vert, mais je m’occupe simplement de mes petites choses… je suis assez pépère ».

Malgré son allure de motard de par sa barbe grise et ses boucles d’oreilles, Évode n’a plus renouvelé son permis de moto depuis 1990. Celui qui n’a jamais eu de permis de voiture préfère utiliser son vélo pour ses déplacements.

Selon l’employé, le bar lui permet de rester jeune, puisqu’il peut côtoyer des étudiants chaque jour. « Évode est quelqu’un d’apprécié de toute l’équipe et de tous les clients, exprime Pierre Nadeau-Lessard. C’est quelqu’un avec beaucoup d’expérience et de vécu,  il a constamment toutes sortes d’anecdotes à nous raconter ».

De l’Après-cours au Département

Évode Bérubé a été aide-serveur à l’Après-cours, un bar reconnu de l’UQAM, jusqu’à sa fermeture en 2008. « Quand j’étais étudiant, le DJ arrivait à 16h, la piste de danse se remplissait à 16h », émet-il en repensant à l’Après-cours, qu’il appelle couramment « l’Autre bord ». L’accès direct à la rue a permis à la discothèque de gagner en popularité. « Le Départ’, quand le monde ne le connaît pas, ils ne savent pas que ça existe », a-t-il exposé. À l’époque où les deux bars coexistaient, le Département, alors appelé la Brasserie, se voulait plutôt un bar sportif. C’est ce qui a différencié les deux endroits. « Mais astheure, si le Canadien ne gagne pas la coupe Stanley, il y a moins d’intérêt », explique M. Bérubé.

Lorsque l’Après-cours a fermé ses portes (et sa piste de danse tant convoitée), Évode Bérubé a été embauché par La Brasserie, l’ancêtre du Département. « Ils n’avaient pas le choix, expose-t-il. J’avais déjà un poste là, donc ils devaient me remplacer automatiquement ».

En vingt ans, l’employé a vu le Département changer d’allure plusieurs fois, autant par son menu que par sa décoration. Après la fermeture de La Brasserie, le bar a été renommé Le Grimoire et avait des allures médiévales ce qui, selon le doyen, « a fait son temps ».

Évode Bérubé se rappelle également de l’époque où il était autorisé de fumer dans les bars. « Il fallait se couper un rideau de fumée pour passer, explique celui qui a arrêté la cigarette il y a dix ans. Il y avait un cendrier par terre, si tu ne passais pas aux cinq minutes, il débordait ».

Après avoir travaillé 26 ans de soir, Évode Bérubé préfère maintenant le quart de jour. « Quand tu sors à trois ou quatre heure du matin, ta journée est plutôt limitée », explique-t-il. À présent, l’amateur de microbrasseries préfère prendre une bière au bar lorsqu’il termine vers 16h. « À force de goûter, on découvre », lance l’employé.

 

photo: SARAH XENOS MONTRÉAL CAMPUS

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