L’UQAM tarde à reconnaître le territoire des Premières Nations

 

L’UQAM est la seule université montréalaise à ne pas avoir adopté de code de procédure pour reconnaître les nations autochtones lors de conférences ou de discours. Si cette pratique est devenue commune en politique, il est ardu de déterminer avec précision quelles nations autochtones habitaient Montréal.

Le territoire montréalais « était fréquenté par de nombreuses nations, qu’on appelle les Iroquoiens du Saint-Laurent », affirme le professeur au Département de sciences des religions à l’UQAM et spécialiste de la question autochtone, Laurent Jérôme. Il est donc complexe de déterminer avec précision quelle nation a occupé le territoire de l’UQAM. Une information que confirme le professeur au Département d’anthropologie de l’Université de Montréal et archéologue Christian Gates St-Pierre, qui note cependant que « plusieurs nations autochtones s’opposent à cette position. Soit ils réfutent l’existence même de ce groupe [les Iroquoiens du Saint-Laurent], soit ils s’en proclament les descendants directs. »

Lorsqu’un discours politique mentionne une nation particulière, « c’est une prise de position », affirme Laurent Jérôme. « Reconnaître Montréal comme étant le territoire ancestral d’un groupe précis, c’est prendre le risque de se mettre à dos les autres nations qui ont aussi des revendications sur ce territoire », stipule pour sa part M. Gates St-Pierre. Selon lui, une solution plus prudente serait de reconnaître Montréal comme un territoire ancestral autochtone, sans nommer de nation en particulier.

Montréal a été une plaque tournante du commerce pour les Autochtones et bien qu’elle « est beaucoup plus associée aux nations mohawks, il y a eu une présence algonquienne importante dans le passé et dans l’histoire de Montréal », affirme le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard. « Il pourrait y avoir autant d’interprétations qu’il y a d’historiens », poursuit-il. Pour lui, les marques de respect des politiciens sont « un retour normal aux protocoles qui ont toujours eu cours chez [les Autochtones]. » Il se demande cependant si « tous les politiciens qui y vont de cette reconnaissance sont vraiment conscients de toute la signification au niveau politico-légal, parce que la question territoriale est beaucoup plus que symbolique du côté des Premières Nations. »

La reconnaissance des territoires autochtones est un pas dans la bonne direction, selon les deux experts. Ils spécifient qu’il ne s’agit pour le moment que d’un symbole et qu’il reste encore beaucoup de chemin à faire. « Une véritable réconciliation devra s’accompagner d’actions plus concrètes permettant d’améliorer le sort des communautés autochtones sur tous les plans », stipule Christian Gates St-Pierre. La reconnaissance observée actuellement est une étape « nécessaire dans cette optique de rapprochement entre les peuples autochtones et le reste de la société », explique pour sa part Laurent Jérôme.

Une reconnaissance universitaire

Récemment, plusieurs universités montréalaises ont adopté des politiques visant à reconnaître les territoires ancestraux. C’est le cas de l’Université Concordia et de l’Université McGill, qui ont adopté un guide de procédure pour que les événements qui s’y déroulent soient précédés d’une mention aux Premières Nations. L’Université de Montréal a également adopté un texte, qui sera publié prochainement.

L’UQAM a toutefois pris des initiatives concrètes, ces dernières années, afin de reconnaître les enjeux autochtones. L’Université offre notamment une concentration de premier cycle en études autochtones et a présenté, au cours des mois de juillet et d’août, une école d’été pour femmes dirigeantes autochtones.

Selon le professeur de l’UQAM, l’université du Quartier Latin « a accusé un retard assez important sur les questions autochtones en termes de positionnement institutionnel ».

La fin des tensions ?

Pour Laurent Jérôme, le mouvement Idle No More, fortement médiatisé en 2012, « est un point tournant qui a fait allumer les responsables politiques sur la nécessité de reconnaître la présence des Premières Nations sur le territoire du Québec. » Des points de confrontation demeurent, et ce, malgré la plus grande place faite aux luttes autochtones dans les médias. Les différentes nations autochtones veulent obtenir « un droit de regard et une participation sur l’exploitation et la gestion de leurs ressources », avance Laurent Jérôme. Ce dernier croit que les gouvernements doivent développer « des mécanismes de concertation qui prennent le point de vue des Autochtones dès le départ. » Sans ceux-ci, la société s’expose à d’autres confrontations avec les Premières Nations.

La reconnaissance qu’on accorde désormais à ces dernières « vient contribuer à renforcer cette idée de réconciliation, explique Ghislain Picard. Les territoires autochtones, ça ne tient pas du mythe, c’est une réalité. […] Ça ne vient pas changer les défis qui se présentent à nous », observe celui qui a passé une grande partie de sa vie à défendre les droits de la communauté autochtone.

 

photo: MARTIN OUELLET MONTRÉAL CAMPUS

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