Montée de l’islamophobie : le dialogue avant tout

Malgré la montée des discours d’extrême droite sur la religion et l’immigration, qui témoignent d’un climat plus tendu au Québec, l’Association des étudiants musulmans de l’UQAM (AEMUQAM) se sent intégrée et impliquée dans la société québécoise.

Le président de l’AEMUQAM de l’année 2016-2017, Jawhar El Guermaĩ, a remarqué une certaine radicalisation et une hausse d’intolérance dirigée vers l’islam et les différentes communautés culturelles dans la dernière année, particulièrement après l’attentat à la grande mosquée de Québec.

« Il faut définir ce qu’on entend par radicalisation, affirme le responsable du module de recherche du Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence (CPRMV) Benjamin Ducol. Si on parle des incidents terroristes, on peut dire qu’il y a toujours [eu] du terrorisme au Québec, comme en 1970 avec le Front de libération du Québec. Donc, il n’y a pas eu d’augmentation du terrorisme au Québec par rapport à ce qu’il y a eu dans le passé. » Toutefois, selon lui, les crimes haineux sont propres à la radicalisation de l’extrême droite.

D’après le rapport Les crimes haineux déclarés par la police au Canada de Statistique Canada, une augmentation de 5 % des affaires criminelles motivées par la haine a été observée en 2015. « La hausse du nombre total d’affaires est attribuable en grande partie à l’augmentation du nombre de crimes déclarés par la police qui étaient motivés par la haine d’une religion ou par la haine d’une race ou d’une origine ethnique », recense l’agence fédérale, qui a compilé les données de plusieurs corps policiers du pays. La population musulmane a été particulièrement touchée, enregistrant une hausse de 61 % des crimes haineux commis à leur égard. « La difficulté qu’on a véritablement, c’est de savoir si les gens sont plus victimes de crimes haineux ou s’ils sont plus disposés à le reporter », explique Benjamin Ducol.

L’ancien président de l’AEMUQAM dénonce cette hausse de crimes haineux et d’islamophobie, mais il a certaines réserves. « Je considère qu’il y a une partie des Québécois qui pourrait avoir un certain mépris, un certain sentiment négatif, mais je suis sûr que c’est une très petite minorité », renchérit-il.

Le responsable du module de recherche du CPRMV relève une autre difficulté, c’est-à-dire savoir si davantage de personnes adhèrent à ces idées. Les questions de l’islam, de l’immigration ou de la laïcité se font plus présentes au Québec.  Elles représentent les thèmes de prédilection des groupes proches de l’extrême droite comme La Meute, Pegida Québec ou Atalante. Selon M. Ducol, ces groupes en profitent pour devenir visibles. « Ces groupes vont se mobiliser et se structurer, alors qu’avant ce n’était pas le cas. Aujourd’hui, avec Facebook et Twitter, c’est très facile de créer une page et de rejoindre tous les gens interpellés par ça, ajoute le responsable du module de recherche du CPRMV. Ça permet une plus grande fluidité en matière de mobilisation. »  

Se sentir chez soi

« Je pense qu’en général la communauté québécoise est ouverte à qui que ce soit qui contribue à la société et qui va dans le sens des valeurs québécoises », ajoute Jawhar El Guermaĩ. Bien que les sujets de l’augmentation de l’islamophobie et d’une certaine méfiance envers les immigrants soient plus discutés, l’ancien président de l’AEMUQAM ajoute qu’aucun de ses membres n’a vécu d’incident haineux.

Le président de l’Association des étudiants africains de l’UQAM (ASEAUQAM), Diallo Mahamadou, note aussi que son association et ses membres ne ressentent pas cette montée d’idées d’extrême droite. « C’est une terre accueillante. Toutes les structures sont faites pour accueillir des gens. On se sent à la maison, en fait. On vient d’origines diverses dans le monde, mais quand on vient ici, on a un sentiment d’appartenance qui resurgit rapidement, renchérit-il. C’est la force de ce pays. »

Diallo Mahamadou croit que le racisme est très faible au Québec, et surtout à Montréal. Les communautés visées ne perçoivent pas nécessairement cette montée de discours d’extrême droite, selon lui.

Répondre aux angoisses et à la désinformation

L’Association des étudiants musulmans de l’UQAM avait organisé une vigile à la suite de l’attentat contre la mosquée de Québec en janvier 2017. Jawhar El Guermaĩ, alors président de l’association, a su retirer des points positifs de l’événement. « Il faut aussi mener un chemin de dialogue. C’est le genre d’événement qui fait prendre conscience qu’on doit apprendre à mieux se connaître, prendre des initiatives ensemble et aller vers l’autre. Tant les Québécois vers les musulmans que les musulmans vers les Québécois », conclut-il.

Le responsable du module de recherche du CPRMV Benjamin Ducol est du même avis. Une plus grande connaissance des communautés culturelles serait bénéfique selon lui. « Ce qui est manquant à l’heure actuelle, c’est de répondre aux angoisses et aux questionnements d’un certain nombre de personnes. En faisant de la pédagogie, on rassure les gens et on les empêche de se radicaliser », précise-t-il.

 

photo: MARTIN OUELLET MONTRÉAL CAMPUS

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *