La violence et l’acceptable au World Press Photo

La limite de l’acceptable : voilà ce avec quoi les photojournalistes et vidéastes doivent composer au quotidien, alors qu’ils tentent de transposer la violence du terrain aux manchettes des médias. Bien qu’on les accuse parfois de bercer dans le sensationnalisme, ces journalistes gardent la dignité au centre de leurs préoccupations.

La visite à Montréal de Burhan Özbilici, journaliste pour l’Associated Press, était l’occasion de discuter de la représentation de la violence dans les médias lors d’un panel organisé à l’UQAM jeudi soir. Le photojournaliste raconte l’histoire de sa photo, Un assassinat en Turquie, où l’on voit Melvüt Mert Altintas, poing en l’air au côté du cadavre de l’ambassadeur russe en Turquie qu’il vient d’assassiner. Cette image a remporté le prix de la photo de l’année au World Press Photo 2017.

Burhan Özbilici croit que « le journalisme est le métier de la vérité ». Un métier qui consiste à être aussi fidèle à la réalité que possible. Tous les panélistes des Entretiens du World Press Photo s’accordent pour dire que montrer la violence peut parfois s’avérer nécessaire, puisque l’horreur est indissociable de la réalité. Ces clichés doivent néanmoins être pris dans le plus grand respect de la dignité humaine.

Özbilici veut montrer « la brutalité de la guerre et l’importance de la paix ». Une image, même violente, peut servir à faire bouger les choses selon lui. Le photojournaliste à La Presse Martin Tremblay spécifie qu’une image ne doit pas être plus importante que l’histoire derrière celle-ci. Sylvain Castonguay, vidéaste pour Radio-Canada au Proche-Orient, est du même avis. « Il y a des scènes qu’on peut filmer, mais qui n’apportent rien à l’histoire », ajoute-t-il. Il est donc nécessaire de faire usage de ce type d’images avec grande précaution. « Si les images choquent trop, affirme Martin Tremblay, l’histoire est minimisée. »

Lorsque Burhan Özbilici photographie une tragédie, il tente d’éviter « le visage des cadavres », se concentrant plutôt « sur les pleurs et les visages couverts ». L’assassinat d’Andreï Karlov fait preuve d’exception, parce que le journaliste « n’avait pas le choix », voulant faire son travail en évitant les mouvements brusques pour ne pas alerter le tireur.

Les journalistes ont la « responsabilité de ne pas glorifier tout ce qui [va à l’encontre de] la dignité humaine », affirme le lauréat. Burhan Özbilici spécifie toutefois que les médias ont aussi un rôle à jouer pour éviter que les tueurs ne deviennent des martyrs.

Une image, aussi violente soit-elle, peut aussi servir à « montrer la brutalité de la guerre, [les] conneries politiques et militaires que les grands pouvoirs ne cessent pas de faire », poursuit le journaliste turc. « Ce qui me dérange, c’est que des centaines de milliers d’innocents meurent. »

Photo: MICHAËL LAFOREST MONTRÉAL CAMPUS

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