Au cœur du swing montréalais

Tous les vendredis soirs, l’école de danse swing Cat’s Corner, située sur le boulevard Saint-Laurent, s’enflamme au son de la musique et des pas de danse. Même si ce genre musical et la danse qui s’en inspire datent du début du siècle dernier, la communauté swing à Montréal est encore bien vivante, et l’esprit rassembleur de cette danse pratiquée en duo en fait un lieu de rencontre unique.

C’est dans un décor rappelant le début des années 1900 que plus d’une centaine de danseurs foulent en duo le plancher de bois franc pour s’adonner à cette danse enlevante qu’est le swing. Les pieds et les hanches s’agitent. Il est 20 h 30 et le cours de danse pour débutants chez Cat’s Corner est sur le point de commencer. Fidèle à son habitude, l’école de danse offre chaque vendredi une leçon de swing aux participants, de quoi attirer les moins expérimentés et les plus timides.

La musique swing, courant musical jazz ayant connu un essor dans les années 1930, n’est plus très populaire en 2017. Toutefois, la danse qui s’en inspire vit un regain de popularité. D’ailleurs, près d’une centaine de danseurs assistent aux soirées hebdomadaires organisées par les studios Cat’s Corner.

Les soirées de swing offertes dans les différentes écoles de danse à Montréal ont la particularité de rassembler des participants de tous âges, de toutes nationalités, en plus de réunir des francophones et des anglophones. Pratiquer cette danse en duo favorise un rapprochement entre les différents danseurs. Le respect et la politesse, valeurs mises de l’avant par le milieu depuis sa création, sont aussi sur la piste de danse pour favoriser un climat d’entraide entre les participants.

Une attention particulière est portée sur l’intégration de chacun lors de ces soirées. « Les gens sont souriants, actifs et sociaux, on retrouve une atmosphère de communauté », explique la propriétaire et présidente de Cat’s Corner, Debbie Carman. « Les gens vont vous demander de danser avec eux, même si vous ne savez pas danser, ajoute-t-elle. Il ne faut pas oublier que l’on danse pour nous en premier, ensuite nous dansons avec l’autre personne. » Les soirées de danse swing semblent empreintes d’une certaine convivialité. Les échanges se déroulent dans la bonne humeur, les participants ont littéralement le cœur à la danse.

« J’ai déjà rencontré des professeurs, des avocats, des chirurgiens, des serveurs et des artistes. Il y a simplement une très grande variété de gens présents lors des soirées », rapporte Anne Dorward. « Le swing permet de rencontrer des gens qu’on n’aurait sûrement pas eu l’occasion de croiser dans la vie de tous les jours », soutient la diplômée du programme de danse contemporaine de l’UQAM, Sophie Levasseur.

« Tout juste après la leçon de danse, le DJ fait jouer des chansons moins rapides pour permettre aux débutants de se pratiquer », précise Anne Dorward, une danseuse de 19 ans. Selon elle, c’est ce qui permet d’instaurer un climat non compétitif. Une tactique qui semble bien fonctionner, puisque l’étudiante dit rencontrer plusieurs nouvelles personnes chaque semaine, tout comme Sophie Levasseur.

Le retour du swing en ville

Historiquement, le swing était dansé dans les salles de bal d’Harlem à New York, au tout début des années 1930. À l’époque, « ces salles de bal étaient l’un des premiers endroits publics où l’on pouvait observer une mixité raciale aux États-Unis, explique Anne Dorward, qui a voyagé à travers le Canada, les États-Unis et même la Suède pour danser le swing. Le swing avait donc une importance socioculturelle capitale. »

La renaissance du swing à Montréal remonte à une vingtaine d’années. En 1998, Frederick Ngo quitte la ville de Kingston en Ontario pour venir s’installer sur l’île. Grand amateur de swing, Ngo se retrouve dans une ville où cette danse n’est pas pratiquée sur les parquets de danse. Il fonde alors l’école de danse Cat’s corner pour y former des cavaliers et cavalières et ainsi propager sa passion.

Après l’ouverture d’une première école, un engouement se crée chez les Montréalais autour de cette danse joviale et rythmée. Deux autres établissements verront le jour par la suite, soit Swing ConneXion et Studio 88. Aujourd’hui, ces trois écoles de danse offrent divers cours et soirées de swing. Ainsi, les curieux qui désirent se trémousser sur des airs jazzy peuvent le faire le mercredi soir sur les planchers de la salle de spectacle punk des Katacombes ou le vendredi dans les studios de Cat’s Corner.

Au rythme de la musique

La musique swing n’est peut-être plus aussi populaire qu’autrefois, mais plusieurs artistes s’adonnent toujours à garder en vie ce style musical dérivé du jazz. L’un d’eux est le musicien Gordon Webster de New York. Il est généralement engagé une fois par année par Cat’s corner pour enfiévrer les danseurs. Lorsqu’il n’est pas possible d’avoir un orchestre, quelques DJ s’occupent de la sélection des pièces musicales qui s’inspirent des grands classiques d’Ella Fitzgerald, de Duke Ellington, d’Artie Shaw et de Count Basie.

Face à cette danse moins populaire au 21e siècle, les participants doivent parfois faire taire certains stéréotypes. « Mon entourage extérieur pense que je m’habille comme une fille des années 1950 tous les vendredis et qu’on me fait toujours faire des pirouettes aériennes », confie Sophie Levasseur. La danseuse de 22 ans croit que lorsqu’elle prend le temps de démystifier cette danse, « les gens voient à quel point le swing c’est beaucoup moins dans le “paraître” que ce qu’ils pensent, c’est surtout du cœur, de l’ouverture et du groove! »

Une chose demeure sûre, chaque soir, la musique a pour mission de faire swinger tous ceux qui s’aventurent sur la scène. « Ça swing vraiment, ça vous emporte littéralement », lance Anne Dorward.
Photo: SARAH XENOS  MONTRÉAL CAMPUS

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