Une image vaut mille notes

Que ce soit à cause du vedettariat ou de la téléréalité, la musique populaire est encore empreinte d’une croyance idéaliste voulant que le succès s’acquière par le seul talent des artistes. En réalité, c’est avant tout un travail de promotion acharné des musiciens établis et émergents en tant qu’entrepreneurs artistiques qui leur permet de se démarquer.

Se lancer en musique équivaut à se lancer en affaires : les groupes de musique sont des entreprises ayant pour but de commercialiser un produit. C’est du moins le constat unanime que font les musiciens de Young Critters et Mr. Walter, deux groupes émergents de la scène musicale montréalaise.

Bien que le terme ne leur plaise pas nécessairement, ils reconnaissent que la musique est un produit et qu’ils doivent user de stratégies de commercialisation pour percer. « On ne se le cachera pas, il y a une pensée commerciale derrière ça », lance d’entrée de jeu Shaun Pouliot, chanteur et guitariste de la formation rock Young Critters. Bien qu’il considère jouer le style qu’il aime avant tout, l’accessibilité et l’authenticité sont des critères importants de composition. « La musique est ton produit et le marketing, c’est ce qui te donne de la visibilité », renchérit Loukas Perreault, claviériste pour Mr. Walter, alors que quelques-uns de ses comparses font la grimace sur ces mots. Ni belle ni poétique, la vente fait tout de même partie de leur travail.

La stratégie de promotion musicale s’est principalement transportée sur le Web. Les musiciens utilisent les plateformes de diffusion comme YouTube, Soundcloud et Bandcamp pour publier du contenu et annoncent les évènements à venir sur Facebook. Conscients des algorithmes des réseaux sociaux, leur stratégie web est généralement planifiée des semaines, voire des mois, à l’avance.

Les pratiques de l’industrie sont similaires. YouTube est encore la plateforme la plus utilisée par les internautes pour écouter de la musique en continu, rappelle la directrice marketing et promotion chez Audiogram, Alixe Hennessey Dubuc. « Notre plus gros défi, c’est de susciter la curiosité, d’être capables d’aller chercher une première écoute », explique-t-elle. La maison de disques, qui collabore avec une cinquantaine d’artistes, dont Isabelle Boulay et Alex Nevsky, compte plus de 13 000 abonnés sur sa chaîne YouTube en plus d’être en lien constant avec les gros joueurs de musique en ligne comme Apple et Spotify.

Les ardeurs des nouveaux venus doivent parfois être ralenties par la maison de disques parce que la promotion est un long processus, ce qui exige une certaine sensibilité avec l’artiste, souligne Alixe Hennessey Dubuc. « Il faut gérer beaucoup d’attentes, les choses prennent parfois plus de temps à s’installer qu’on le voudrait », affirme-t-elle. La directrice marketing rappelle que plusieurs mois se sont écoulés avant que la chanson On leur a fait croire, d’Alex Nevsky ne fasse sensation sur le Web et à la radio.

Donner une image aux sons

Même si les musiciens se dévouent à un art sonore, leur promotion est avant tout visuelle. Le vidéoclip demeure un moyen important afin de se faire remarquer, affirme Alixe Hennessey Dubuc.

Elle explique que les clips qui comportent un concept intéressant visuellement ont plus de chances d’être partagés par des blogues et des médias. « Les vidéos sont une partie importante de ta promotion, c’est une accroche », croit Shaun Pouliot de Young Critters. Leur chanson Wild One est d’ailleurs accompagnée d’une vidéo ludique où apparaît un danseur affublé d’un masque de dinosaure. De son côté, Mr. Walter s’est associé à des artistes visuels pour faire la couverture de chansons parues l’an dernier. La formation indie s’était donné le défi de lancer une nouvelle pièce chaque mois pendant un an. Le concept avait culminé par un concert en octobre 2016 où les douze images de couverture ont été exposées.

Comme pour la recherche d’emploi, le réseautage est essentiel à l’acquisition de contacts dans le milieu musical. Le contact humain est plus important que le contenu pour les promoteurs, selon Nikolas Benoit-Ratelle, l’un des guitaristes de Mr. Walter. Si un promoteur reçoit une demande par un groupe dont il n’a jamais entendu parler, les chances sont minces d’obtenir une réponse, dit-il. C’est pour cette raison qu’il est important pour les musiciens, comme pour bien d’autres professionnels, de se bâtir un solide réseau de contacts.

La langue, un libre choix

De manière générale, les réseaux diffèrent pour la musique francophone et anglophone. Young Critters et Mr. Walter sont tous deux des groupes montréalais qui ont le français pour langue maternelle, mais qui ont choisi de se produire en anglais. Dans un cas comme dans l’autre, c’est un choix qui est avant tout esthétique et qui reflète mieux leurs influences musicales, assurent-ils.

D’après les musiciens interrogés, la question de la langue ne serait pas si importante au point de vue commercial. Si la chanson francophone est plus subventionnée et mise à l’avant-plan au Québec, l’anglais ouvre la porte aux autres provinces canadiennes.

Chez Audiogram, on exploite aussi le marché européen : les artistes francophones peuvent faire des tournées en France, en Belgique et en Suisse. Cependant, la promotion des musiciens francophones sur les grosses plateformes comme iTunes et Spotify représente certainement une difficulté. « La musique francophone n’est pas un genre musical, déplore Alixe Hennessey Dubuc. Malheureusement, la musique francophone est souvent cantonnée dans une seule page. C’est un combat de tous les instants », reconnaît-elle.

 

Photo: MARTIN OUELLET MONTRÉAL CAMPUS
La formation rock montréalais Mr. Walter en pleine séance de répétition

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