La forme avant le fond

Diplômées du baccalauréat en arts visuels et médiatiques de l’UQAM en 2015, Pénélope Bourgeois et Chloë Baril-Chassé touchent à tout : sculptures installations, costumes et décors. Les artistes créent principalement en recueillant divers objets et textures de leur quotidien.

CE TEXTE FAIT PARTIE DU CAHIER PORTRAITS DE L’ÉDITION DU 5 AVRIL 2017

Le tandem d’artistes visuelles, nommé simplement Pénélope et Chloë, met en scène des objets courants en faisant abstraction de leur fonction première. Le duo se distingue par son travail pictural dans l’espace où les formes et les couleurs de ces derniers sont exposées de manière ludique et spontanée.

C’est exactement la démarche qu’elles ont suivie pour leur Série du jour, publiée sur leur compte Instagram presque quotidiennement. Dans une de ces publications parues durant le mois de mars, elles présentaient, par exemple, une simple main enduite de glaçage bleu cachant un bout de carotte sur un fond de couleur ciel. Fondamentalement, les artistes veulent montrer quelque chose d’encore plus simple à travers ces installations : les couleurs et les formes diverses, qui, selon elles, sont à la base de l’art.

Une pratique intuitive 

Rencontrées dans l’appartement de Pénélope Bourgeois, Chloë Baril-Chassé explique, un verre de vin à la main, que chaque création naît d’une intuition. Il suffit de prendre les objets, de les installer sur un fond et d’observer le résultat physique. Les teintes et les figures s’associent et constituent la base de leur univers. « Si on utilise un gant, ce n’est pas le gant en tant qu’objet, mais plutôt sa forme, sa couleur et comment il “répond” au fond », explique Pénélope.

Selon Mathieu Deschênes, membre des Mêmes-Cacaïstes, un collectif d’arts visuels à l’origine de la galerie où Pénélope et Chloë exposent présentement,  le duo possède « un désir de créer de belles images, une sensibilité à celles-ci et aux formes » qu’il affirme avoir rarement vu. L’artiste poursuit en soulignant que leur composition est d’abord esthétique avant d’être philosophique. Il qualifie cela d’art « rétinien » plutôt que d’art « cérébral ».


La « Série du jour » du collectif Pénélope et Chloë réunit des objets communs selon leurs aspect esthétique, sans égard à leur utilité.

Même si Pénélope et Chloë caractérisent leur art de jeu, le collectif formé il y a trois ans lors d’un cours d’été a tout de même un message à livrer : il faut prendre conscience de la poésie abstraite des formes qui nous entourent au quotidien, parce qu’elles sont à la base de tout. Selon Pénélope Bourgeois, « les formes ont une sensibilité importante ».

Le groupe Pénélope et Chloë refuse de se confiner dans le domaine des arts visuels et associe ses oeuvres à d’autres disciplines. Selon un ami et ancien collègue d’université, Maxence Gras, le duo parvient à relever le défi. « Elles arrivent à arrimer des milieux différents : les arts visuels et la musique, ainsi que les arts visuels et la culture populaire. »

En plus d’exposer à l’espace des Mêmes, une galerie éphémère du boulevard Saint-Laurent, le collectif s’occupe de créer les décors de nombreux spectacles de musique avec la maison de disques Chivi Chivi, ainsi que pour le festival de musique Santa Teresa, à Sainte-Thérèse. Selon Benoît Parent, responsable au studio de production musicale chez Chivi Chivi, Pénélope Bourgeois et Chloë Baril-Chassé ont une approche particulière et savent créer l’atmosphère parfaite. « Elles trouvent la façon de rendre les décors intéressants et de faire en sorte que tout colle bien avec le show et le type de soirée », indique-t-il.

Les deux partenaires ont également pu collaborer avec la chanteuse Klô Pelgag en confectionnant des décors et des costumes pour ses photos promotionnelles. Selon la musicienne, le collectif a beaucoup de potentiel. 

Elles sont capables d’imaginer quelque chose de complexe qui soit réalisé simplement. Il faut être hyper créatif pour arriver à faire quelque chose d’efficace avec peu de moyens et c’est primordial d’arriver à le faire dans ce métier
Klô Pelgag, auteure-compositrice-interprète montréalaise

Éviter la suranalyse

Le duo affirme que son art se situe loin de l’approche d’enseignement à l’UQAM, qui impose aux étudiants de toujours expliquer les motifs de leurs créations. « Pour elles, l’idée ne prévaut pas sur le geste », explique Maxence Gras, assis aux côtés de ses amies. C’est-à-dire que le groupe réfléchit à la signification d’une oeuvre seulement après l’avoir créée. « Même si la réflexion ne vient pas, elle est dans l’action », soutient Xavier Ford-Legrand, un autre membre des Mêmes-Cacaïstes ayant collaboré avec les filles.

La collaboration organique des deux artistes remonte à leur passage à l’UQAM. « On a essayé un projet ensemble et on a décidé de se faire évaluer en tant que Pénélope et Chloë, comme un tout », explique Chloë. Depuis, les deux jeunes femmes ne se sont pas quittées et continuent de jouer avec les objets et l’espace tous les jours. « Chloë, c’est un coup de foudre professionnel », affirme Pénélope en regardant son amie souriante.

Tout est un travail d’équipe, car l’ensemble des œuvres est réalisé en duo. Être deux est, à leur avis, la meilleure façon de travailler. Chloë a agi comme un repère pour Pénélope après la fin de l’université et l’arrivée dans la « vraie vie » en lui donnant « doublement de motivation et doublement d’idées », confie-t-elle. « C’est vraiment un mode de vie », renchérit sa partenaire. Elles expliquent que même lorsqu’elles travaillent seules, c’est en continuité du collectif.

Pour se faire un nom dans le milieu artistique, Pénélope Bourgeois et Chloë Baril-Chassé, passionnées et brûlantes d’idées, ont décidé d’accepter le plus de projets possible et d’en générer autant que faire se peut. Cette frénésie leur permet de collaborer avec beaucoup d’artistes pour différents contrats, souvent bénévolement, notamment pour les décors.

Photo: SARAH XENOS MONTRÉAL CAMPUS
Les artistes Pénélope Bourgeois et Chloë Baril-Chassé

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