« L’intersectionnalité n’est pas un sujet chaud »

L’émancipation des femmes touchées par l’intersectionnalité passe par la décolonisation du féminisme et cette décolonisation est l’affaire de tous. C’est le constat auquel sont parvenus les six panélistes venues discuter, le 28 mars dernier, des perspectives qui s’offrent aux femmes racisées dans les luttes féministes.

« L’intersectionnalité n’est pas un sujet chaud ou la manière tendance de rendre son féminisme trendy. C’est d’abord et avant tout quelque chose de nécessaire exprimé par des personnes qui en ont littéralement besoin pour survivre », souligne la militante et blogueuse Lourdenie Jean,

Contrairement au féminisme universaliste, le féminisme intersectionnel prône la notion de pluralité dans la lutte et reconnaît qu’il y a plus d’un féminisme possible sans pour autant affecter la solidarité entre les femmes. « C’est normal que quelqu’un qui vit une intersection dans sa réalité en tant que personne féminine centralise son discours sur certains sujets [comme le racisme] », ajoute-t-elle.

Prendre la parole pour déconstruire le racisme
Elles étaient six femmes issues de milieux différents, mais faisant toutes partie d’une minorité « visible ». Elles témoignaient devant une salle bondée de leur invisibilité dans un système qu’elles considèrent comme « patriarcal » et « blanc » et cela, jusque dans le rang des féministes. « Le féminisme blanc donne l’impression que leur féminisme c’est LE féminisme, souligne Lourdenie Jean. Cela relègue la réalité des femmes noires au second plan. »

Le panel aura été l’occasion de traiter du processus de décolonisation du féminisme, c’est-à-dire de lui retirer son « monopole blanc » pour permettre la prise de parole des femmes racisées. Sur ce point le consensus est clair : cette tâche revient à tout le monde, mais tous n’ont pas le même rôle à jouer. Il est important pour ces femmes que les alliés leur laissent la parole pour leur permettre de s’émanciper.  « On est les mieux placées pour savoir comment passer de la survie à la libération », soutient l’étudiante en sciences humaines à l’UQAM Claudia Cachay-Osorio.

Il est de leur avis que beaucoup d’éducation reste encore à faire. « Le changement doit être populaire pour que le système change », renchérit Lourdenie Jean. Ce serait une manière de sortir du statu quo, considéré comme un statut colonial d’assimilation constante et systémique, selon elles.

« Les luttes ne sont pas théoriques, elles sont concrètes », ajoute Claudia Cachay-Osorio, et en ce sens, toutes soutiennent que le rôle de l’allié ne peut être autoproclamé. Il doit transparaître par une attitude active et par des actions pour soutenir les personnes bénéficiant de moins de privilèges. Il ne faudrait pas non plus s’attendre à ce que ces femmes prennent le poids de toutes les luttes sur leurs épaules.

Dix recommandations ont d’ailleurs été écrites par Narriman Irma, l’une des panélistes, à l’intention des personnes désirant contribuer à la lutte contre la discrimination découlant de l’intersectionnalité. Il y est notamment question de boycottage de film n’affichant aucune diversité ou simplement de ne pas se placer au centre des débats sur le racisme.

Photo: SARAH XENOS MONTRÉAL CAMPUS

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