L’épineuse question du financement

Réunis le 25 janvier dans le cadre d’une conférence organisée par l’Institut national de recherche scientifique, la professeure à l’École des médias de l’UQAM Chantal Francoeur et le journaliste et chroniqueur au Devoir Stéphane Baillargeon en ont profité pour aborder la question du financement du journalisme dans le contexte des mutations et de crise que traversent les médias.

Stéphane Baillargeon soutient que les demandes de financement public imaginées par la direction du Devoir aideraient à moderniser l’offre journalistique. Ce dernier évoque la demande du directeur du quotidien, Brian Myles, présentée en neuf recommandations l’été dernier. Ces mesures serviraient à préserver les médias nationaux. Les demandes qui ont été faites par Bryan Myles, associé avec les gens du Groupe Capitale Médias et d’autres, vont dans le sens d’une aide qui pourrait favoriser la transition vers les formats numériques. « Un peu comme il existe des aides semblables pour faire des transitions dans les industries comme celles des pâtes et papiers par exemple, lorsqu’on a besoin d’acheter de nouveaux équipements », affirme M. Baillargeon, qui avance que ce financement public serait sans jugement de l’État sur la qualité ou le type d’information produite.

À cette question complexe, la professeure à l’École des médias de l’UQAM Chantal Francoeur avance qu’il serait possible d’aider les journaux papier en restituant le financement issu des annonceurs qui favorisent aujourd’hui le web. « Plus récemment, on disait que si on colmatait une “brèche fiscale” pour aider les journaux, ça permettrait d’aller chercher 450 millions de dollars pour les médias canadiens », lance-t-elle. « C’est à dire que si nous cessons de donner des avantages fiscaux à certains annonceurs qui annoncent sur Facebook ou Google par exemple, il serait possible de redistribuer cet argent dans les médias », explique la professeure. Cette dernière fait référence à une étude — commandée par le lobby indépendant Les amis de la radiodiffusion — parue plus tôt cette année qui expose la concurrence difficile des médias locaux face aux géants du net. En somme, les entreprises bénéficient des mêmes avantages fiscaux lorsqu’ils achètent de la publicité sur Google ou Facebook que sur les médias locaux, ce qui détourne l’attention des annonceurs des journaux, entre autres.

 

Un modèle qui s’effondre

Stéphane Baillargeon rappelle que les défis auxquels le journalisme fait face aujourd’hui ressemblent à ceux du 19e siècle. « Lorsque les journaux de masse sont apparus, c’était entre autres pour répondre à la prolifération de médias très engagés qui étaient marqués par des idéologies très fortes, tout en étant prisonniers de leurs abonnés », souligne-t-il. L’apparition des publicités a permis aux journaux de se détacher du « cercle vicieux » des attentes des abonnés, favorisant ainsi leur indépendance. « Ce qui est formidable, c’est qu’on essaie de retrouver [les abonnés] parce que ce modèle de la publicité s’effondre », ajoute-t-il.

Selon M. Baillargeon, ce serait l’actuelle structure d’affaire qui causerait les résultats infructueux des entreprises de presse. « Les journaux sont en crise depuis la fin de la Première Guerre mondiale. Il y avait six quotidiens [à Montréal] lorsque Le Devoir a été fondé, il y en a six maintenant. Ce n’est pas une progression dans une ville où il y a maintenant 4 ou 5 fois plus d’habitants. Le modèle d’affaires est déficient », note-t-il. Ce dernier demeure toutefois optimiste pour l’avenir du journalisme en mentionnant qu’« il ne faut pas désespérer de tout. Même au 19e siècle, les journaux ont été en mesure de s’en tirer, cela a même été profitable pour le journalisme, relance-t-il. « Ce n’est pas dit que ce qui est en train de se produire ne va pas à long terme donner quelque chose de bien. »

 

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