Un pêle-mêle à mettre au clair

Le rôle des différents acteurs dans les zones touchées par les conflits et par des catastrophes naturelles est difficile à distinguer au coeur d’une compétition économique et politique serrée.

Les organisations humanitaires font face au jour le jour à de multiples négociations avec les organismes civils sur le terrain. Pourtant, les rôles entre les acteurs politiques et humanitaires portent à confusion. Le directeur des programmes et du développement international chez Médecin du Monde Canada, Patrick Robitaille, a souligné lors d’un colloque à l’Université de Montréal (UdeM) le 24 janvier qu’il y avait souvent un malentendu entre les rôles de chaque acteur international, car ils tous ont le même but et sont très proches sur le terrain. Cette proximité accrue se voit par exemple dans le fait qu’ils utilisent les mêmes véhicules pour se déplacer.

Dans un climat compétitif, chacun veut se démarquer. « Il y a beaucoup de tensions entre les différents acteurs puisqu’il y a des décalages entre les perceptions militaires et locales ainsi qu’entre les différentes priorités de chacun. Ces tensions sont aussi causées par les problèmes de coordination dû au manque de ressources », a avancé Gaëlle Rivard Piché, candidate au doctorat à la Norman Paterson School of International Affairs de l’Université de Carleton et conférencière au colloque étudiant de l’UdeM.

Beaucoup de théories, peu d’actions divergentes

La coopération militaire est plutôt confuse, car il y a un rapport gouvernemental important qui revient surtout dans les zones de combat « où la position des militaires est discutable » avance le lieutenant colonel Francis Mallet, contrôleur aérien des Forces canadiennes lors de l’opération en Irak et en Syrie en 2014. Même si les militaires ont un rôle différent des humanitaires, certains opèrent pour rétablir l’accès aux ressources tout en assurant une protection. Francis Mallet a expliqué que, dans le programme pour la stabilisation et les opérations des Nations Unies, jusqu’à 600 militaires sont envoyés en soutien aux casques bleus, mais ne sont pas formés ni entraînés pour faire des interventions humanitaires. Leur but est avant tout d’assurer la sécurité des populations afin de permettre une meilleure coopération entre les acteurs.

Selon le site des Affaires mondiales du Canada, au cours des dix dernières années, sur neufs interventions humanitaires sur le terrain, trois ont été faites dans des zones de conflit comme l’Ukraine en 2016 et dans les six autres, l’armée canadienne était présente sur le terrain, même s’il n’y avait pas de conflit armé, par exemple en Haïti depuis 2010. Le Canada est flatté d’avoir une intervention différente et plus valorisée que celle des États-Unis. « Pourtant, la politique étrangère des États-Unis sous l’égide d’Obama n’est pas si différente que celle du Canada » soutient François Audet, professeur à l’UQAM et spécialiste en aide humanitaire et en développement. La vision canadienne peut être différente en théorie, mais sur le terrain l’action est la même. Par exemple, ils utilisent la même stratégie militaire, c’est-à-dire gagner la guerre dans les zones sensibles en utilisant les renseignements fournis par les ONG.

Une distinction financière importante dans un avenir incertain

Les ressources diffèrent selon chaque pays, ce qui engendre un impact sur la vitesse des forces de déploiements. « L’aide humanitaire américaine a plus d’envergure et les ressources humaines sont plus importantes que celles du Canada », explique François Audet, une différence qui saute aux yeux ».

Cependant, depuis quelques années, les pays occidentaux et leur population sont lassés de la situation persistante des zones sensibles. Ainsi, les moyens sont limités et « les États-Unis s’impliquent moins  dans l’aide humanitaire », a affirmé Guy-Saint Jacques, diplomate canadien, lors du colloque à l’Université de Montréal.

S’ajoute à cette mentalité la difficulté qu’ont les ONG à s’autofinancer. Elles doivent s’adapter aux gouvernements donateurs sans compter que les projets font partie de la politique étrangère de chaque pays. 10% du budget de la politique étrangère est accordée à l’aide humanitaire et les gouvernements décident selon leurs intérêts politiques d’aider un pays. Donc d’après le professeur François Audet, cela remet en question la présence occidentale sur le terrain dans les zones de conflits. Par conséquent, les ONG sont les cibles d’attaques et sont interdites d’accès dans les zones reculées. Depuis l’élection de Donald Trump, le gouvernement canadien ne sait pas à quoi s’attendre et retarde ses annonces sur la politique étrangère employée.

Photo: DIXIE MANZANARES, Defense Video Imagery Distribution System

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