Enseignants de jour, étudiants la nuit

Les étudiants en éducation des diverses universités québécoises dénoncent le manque d’offres de stages rémunérés dans leur domaine soutenant, entre autres, qu’il est ardu de concilier le travail et les études avec le coût de la vie qui augmente.

C’est ce que soutient l’étudiante en enseignement à l’Université de Montréal, Julia Dupaul, qui devra prendre en charge une classe complète pendant 35 jours dans le cadre de son quatrième stage. « C’est énormément demandant d’avoir un emploi étudiant dans des périodes telles que les stages, mais je ne peux pas faire autrement. Je dois subvenir à mes besoins », affirme la future enseignante en faisant référence aux difficultés d’être professeure le jour et étudiante la nuit.

Concilier le travail avec les études, en plus du stage, affecterait la qualité de l’apprentissage dans le milieu de ce dernier. « En faisant 15 heures par semaine au travail, il est difficile de faire toutes les tâches liées au métier d’enseignant ainsi que l’ensemble des travaux universitaires », déplore Julia Dupaul, évoquant les implications qu’engendre la prise en charge complète d’une classe. « Je devrai assumer toutes les responsabilités de l’enseignant telles que la correction, la planification, la communication entre les parents et enseignants en plus de la surveillance [d’élèves] », ajoute l’étudiante.

Le constat est identique pour le chargé de projet de la Campagne de revendication et d’action interuniversitaire des étudiantes et étudiants d’éducation en stage (CRAIES), Émile Grenier Robillard. « Ce stage demande une implication d’environ 50,3 heures par semaine. Ajoutez à tout ça l’école, le transport et la difficulté d’avoir un poste par la suite. Cela décourage bon nombre d’étudiants et d’étudiantes lors de leur parcours », fait-il savoir.

Justine Bourque, ex-étudiante en enseignement à l’UQAM et professeure à la Commission scolaire Pointe-de-l’Île depuis un an, se considère privilégiée d’avoir effectué son stage final avec une aide financière de sa famille. « J’étais logée et nourrie, j’habitais chez mes parents, qui payaient mes études. Je crois que je n’aurais pas pu y arriver si ce n’était pas de tout ça », avoue l’enseignante au primaire. Cette dernière est bien consciente des difficultés qu’éprouvent les étudiants qui n’ont pas eu cette chance.

Les revendications de la CRAIES

Émile Grenier Robillard a tenu à clarifier les différents discours sur les actuelles revendications de la CRAIES. « Certains parlent de salaire, d’autres de rémunération. En fait, il s’agit d’une compensation. Nous avons engagé un fiscaliste pour démêler le tout. C’est une question complexe qui inclut beaucoup de choses, dont le coût de la vie, par exemple ». Il soutient que le montant futur de la compensation sera soumis au vote des étudiants en enseignement.

Il serait question d’une somme entre 300 et 700 $ qui servirait, entre autres, à couvrir les dépenses hebdomadaires des étudiants. « Cela nous permettrait d’avoir une expérience digne du travail de nous ferons durant les 35 prochaines années », relance Julia Dupaul, qui considère la démarche de cette campagne vraiment encourageante. « Il est certain qu’avoir un stage rémunéré enlèverait un poids énorme sur le dos de plusieurs étudiants », soutenant aussi que tous les étudiants obtiendraient du temps de qualité pour planifier, entre autres, des activités ludiques et variées.

Julia Dupaul relève que certains stages rémunérés sont offerts à quelques étudiants. Ces derniers sont toutefois rares. « À la fin du stage trois, mon superviseur a mentionné qu’il y avait la possibilité de faire le stage quatre tout en étant rémunéré », révèle l’étudiante. Par contre, elle explique que seulement 20 % des étudiants sont sélectionnés à la suite d’une discussion entre le maître associé du stage trois et le superviseur.

Vers une entente

Émile Grenier Robillard se dit convaincu de réussir à trouver un terrain d’entente sous peu affirmant qu’à l’Assemblée nationale « les gens sont ouverts à cette idée. Nous ne sommes pas du tout dans une logique de confrontation ». Le chargé projet soutient également que le Parti québécois dit être pour la rémunération de tous les stages. La commission jeunesse du Parti libéral du Québec s’est aussi prononcée en faveur d’une compensation financière.

L’Université du Québec à Montréal ainsi que la doyenne de la Faculté des sciences de l’éducation, Monique Doyon, soutiennent que « l’UQAM entend les préoccupations des étudiants en sciences de l’éducation » ajoutant que « le mandat de l’UQAM est d’offrir la meilleure formation aux futurs enseignants, mais [que] la rémunération des stages qu’ils effectuent durant leur baccalauréat n’est pas du ressort de l’Université. » Rappelons que 5200 membres de l’Association des étudiantes et étudiants de la Faculté des sciences de l’éducation (ADEESE) de l’Université du Québec à Montréal ont adopté un mandat de grève pour le 16 février.

Photo: MATISSE HARVEY MONTRÉAL CAMPUS

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