Payer ses études grâce aux jeux vidéo

C’est en tant que joueur, et non comme concepteur ou développeur, que Louis-Philippe Geoffrion gagne sa vie dans le domaine des jeux vidéo. Sous le pseudonyme «PainDeViande», le sportif électronique remporte des prix en argent afin de payer ses études en conception de jeux vidéo à l’Université du Québec à Chicoutimi.

Trouver le temps ou la concentration pour étudier après une journée sur les bancs d’école de 8h à 19h et une soirée sur sa chaise de jeu de 19h à 22h est presque surhumain. Pourtant, c’est la réalité de Louis-Philippe Geoffrion. « Quand j’ai commencé à être plus sérieux dans ma carrière, mes notes ont descendu. Mes débuts à l’université ont été plus difficiles, mais je me suis habitué, et j’ai présentement une moyenne avoisinant 85 % », rassure Louis-Philippe.

Les joueurs voulant percer dans le domaine du sport électronique sont soumis à un choix cornélien: soit ils arrêtent leurs études pour se consacrer à 100 % aux jeux vidéo en espérant obtenir une place dans cet univers ultra compétitif, soit ils renoncent à leur rêve d’atteindre les rangs professionnels.  Le vice-président de la Fédération québécoise de sports électroniques (FQSE), Dawei Ding, est d’ailleurs stupéfait du succès de PainDeViande. « Les joueurs qui veulent percer [à des jeux aussi populaires que League of Legends ou CS:GO] font de 30 à 40 heures de d’entraînements par semaine. Avoir le temps de concilier l’univers des jeux vidéo et le monde académique, c’est époustouflant. Au Québec, un cas comme Louis-Philippe Geoffrion, c’est unique ».

À 22 ans, Louis-Philippe Geoffrion a amassé environ 85 000 $ tout au long de sa carrière, dont 80 000 $ ces deux dernières années en jouant à Smite, un MOBA* dont il est l’ancien vice-champion du monde. Selon lui, les bénéfices qu’il tire de sa carrière dépassent vont beaucoup plus loin que des réflexes aguerris et des sommes d’argent. Étant le capitaine de son équipe, Enemy Esports, le sportif virtuel a développé des aptitudes de gestion qui s’apprennent rarement en classe.  « Le côté ressources humaines, comme la gestion des joueurs et le leadership, me servira tout au long de mon cheminement académique ainsi que sur le marché du travail », affirme le joueur.

Archaïque le stéréotype du joueur asocial?

Un des aspects les plus difficiles de sa carrière n’est pas la conciliation entre le sport électronique et ses études. C’est plutôt le stigma social entourant sa carrière de gamer qui l’épuise le plus. Pour Louis-Philippe, exit le portrait du type antisocial en mauvaise forme physique et qui ne fait que jouer aux jeux vidéos dans le sous-sol de ses parents.

Défendre sa légitimité de gamer et prouver que gagner sa vie avec le sport électronique est possible n’a pas été chose facile, surtout aux yeux de ses parents. « C’est seulement après avoir ramené à la maison un chèque de 11 000 $ que mes parents ont compris que ma carrière était bel et bien réelle. Maintenant ils regardent mes matchs sur Twitch** », déclare-t-il en riant. Selon lui, le sport virtuel à autant sa place que le hockey ou le football.

Entre les heures d’entraînements, les compétitions et l’école, avoir une vie sociale semble presque impossible. Pourtant, la copine de Louis-Philippe, Maxe Legget, travaille dans l’univers des sports électroniques et affirme que cette passion commune l’aide à comprendre l’unicité de la situation à Louis-Philippe. « Quand il doit partir une semaine pour une LAN*** ou qu’il doit décompresser après une défaite, je le comprends très bien. Je suis consciente qu’il doit consacrer du temps à sa carrière, mais à travers tout ça, il trouve quand même du temps pour ses amis ou pour moi », commente-t-elle.

Les enjeux multiples entourant une carrière en tant que sportif électronique en rebuteront plus d’un. Pour PainDeViande, le jeu en vaut toutefois la chandelle. « Je me considère privilégié quand je pense que certains payent leurs études en travaillant dans une épicerie et que moi, c’est avec ma passion que je le fais ». Pour le moment, PainDeViande est l’un des seuls — sinon le seul, selon Dawei Ding — qui arrivent à concilier une carrière en sport électronique et des études. Des programmes comme Cyber Espoir de la FQSE se mettent néanmoins en place un peu partout dans la province afin de soutenir des joueurs qui désirent tenter leur chance dans cet univers en pleine croissance.

*MOBA : Multiplayer Online Battle Arena, un type de jeu d’action et de stratégie  en ligne
**TWITCH : Plateforme de streaming en ligne
***LAN: Local Area Network, faisant ici référence aux rassemblements de joueurs connectés à un réseau local

Photo: GRACIEUSETÉ DE LOUIS-PHILIPPE GEOFFRION

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