Politique 16 : une victime prend la parole

Il y a moins d’un mois, des manifestants prenaient la rue pour protester contre la culture du viol. Dans la foulée de cette vague contestataire qui a soulevé la province, l’ancienne étudiante de l’UQAM Véronique Pronovost a publié une vidéo en ligne dans laquelle elle confie son expérience. Victime de harcèlement sexuel de la part d’un professeur, elle dénonce le processus de plainte en vigueur à l’UQAM.

Véronique Pronovost, maintenant chercheuse associée à la Chaire Raoul-Dandurand, aurait été harcelée par un professeur alors qu’elle était étudiante à la maîtrise à l’UQAM. Elle ne s’est plainte auprès du Bureau d’intervention et de prévention en matière de harcèlement (BIPH) que plusieurs années après les évènements. « Je n’ai pas osé le faire avant, entre autres à cause des nombreux commentaires que l’on m’a adressés, raconte-t-elle. On a fait référence au fait qu’il y avait de l’alcool impliqué, au fait que j’avais “l’air consentante”, que ce qui m’était arrivé n’était somme toute pas si grave. » Elle explique également qu’elle avait peur des représailles et des conséquences professionnelles si elle déposait une plainte.

Rappelons qu’à l’automne 2014, des étudiants ont placardé les portes de trois professeurs de l’Université d’autocollants sur lesquels il était inscrit « Harcèlement, attouchements, voyeurisme, agressions. Politique 16. Non à la culture du viol. Brisons le silence. L’UQAM doit agir. »

C’est dans la foulée du mouvement #agressionsnondénoncées et du « stickergate » qui a secoué l’UQAM en 2014 que Véronique Pronovost a pris la décision de finalement porter plainte, sidérée par la réaction de l’administration qui niait publiquement qu’il y avait un problème de violence sexuelle sur le campus. Elle a de plus été choquée de constater que les femmes considéraient que le « stickergate » leur donnait de meilleures chances d’obtenir justice, plutôt que de s’en remettre au système institutionnel.

L’UQAM se défend contre les reproches de Mme Pronovost. « Si un membre de la communauté universitaire a eu une conduite inacceptable, compte tenu de nos politiques, de nos règlements et de nos valeurs, nous allons intervenir et nous prenons très au sérieux les résultats des enquêtes », assure la porte-parole de l’établissement,  Jenny Desrochers. Dans le processus d’enquête et de condamnation mené par le BIPH, Véronique Pronovost dénonce entre autres les règlements entourant la confidentialité. Selon elle,  le processus de plainte ne permet pas à la victime de s’exprimer sur ce qu’elle vit et l’empêche de connaître les sanctions décidées par l’établissement. Elle déclare s’être sentie dépossédée de l’expérience qu’elle avait vécue à cause de ces réglementations. L’UQAM argue cependant que cette pratique ne lui est pas propre et que les dossiers doivent être gérés en vertu de la loi qui enjoint à l’Université de « s’abstenir de divulguer publiquement s’il y a eu sanction ou non ainsi que la nature de la sanction. »

Geneviève Pagé, qui siège au comité de réécriture de la Politique 16 de l’UQAM, estime que le « stickergate » aura permis d’attirer l’attention sur les failles du système en place en plus de démontrer qu’il est nécessaire d’instaurer un climat de tolérance zéro sur le campus. « Quelque chose que le “stickergate” a mis en lumière, c’est qu’il faut faire avancer l’idée que ce n’est pas juste la victime qui peut dénoncer, que les gens autour aussi doivent prendre action », déclare-t-elle.

Plusieurs plaintes avaient été déposées par des étudiants de l’Université contre des professeurs pendant cette période. Un enseignant avait quant à lui porté plainte contre une étudiante pour harcèlement, la soupçonnant d’avoir été une des auteurs de vandalisme sur la porte de son bureau. Questionnée quant à l’issue des différentes enquêtes liées au « stickergate », l’UQAM s’est abstenue de répondre, règle de confidentialité oblige. « Nous n’avons jamais commenté sur la place publique des dossiers disciplinaires concernant des membres du personnel ou des étudiants et entendons respecter ce principe », soutient Jenny Desrochers.

Photo: COURTOISIE DE VÉRONIQUE PRONOVOST
Diffusée sur YouTube le 31 octobre dernier, la vidéo du témoignage de Véronique Pronovost a été vue près de 2 000 fois.

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