Nouveau pavillon de HEC: l’UQAM dit s’être fait couper l’herbe sous le pied

EXCLUSIF Alors qu’un nouveau pavillon de HEC Montréal ouvrira prochainement ses portes au centre-ville, le Montréal Campus a appris que l’École des sciences de la gestion (ESG) de l’UQAM s’est vu refuser l’appui de Québec il y a quelques mois pour un projet similaire.

L’annonce du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur le 17 octobre dernier d’injecter 94 millions de dollars dans la construction d’un nouvel édifice pour son rival de la Côte-Sainte-Catherine a ahuri la direction de l’UQAM. En entrevue téléphonique, la présidente du conseil d’administration de l’Université, Lise Bissonnette, ne cache pas sa stupéfaction. « [Cet investissement est] quand même étonnant après qu’on nous ait refusé […] un programme qui aurait pu nous donner accès [à des dons] pour le développement de l’École des sciences de la gestion (ESG), révèle l’ancienne directrice du Devoir. Et que quelques mois plus tard on apprend que le gouvernement autorise l’implantation des HEC au centre-ville juste à côté, presque, de l’ESG. »

Le projet de l’UQAM avait pour but d’étendre le pavillon DeSève (DS) dans l’ancien CLSC. « Nous voulions y loger des salles de cours pour les cycles supérieurs, des unités de recherche, et quelques unités de services telles que le Centre de perfectionnement de l’ESG, qui offre des formations sur mesure à la communauté des affaires et des organisations, et le Centre d’entrepreneuriat, a expliqué le doyen de l’ESG, Stéphane Pallage. Ce projet a été présenté quelques fois déjà au ministère. »

On se trouve à certainement mettre en péril le développement de l’ESG, qui est un développement légitime, qui est planifié.
Lise Bissonnette, présidente du Conseil d’administration de l’UQAM


Le refus de Québec n’aurait jamais été justifié à la direction de l’établissement du Quartier latin et l’empêcherait également d’enclencher des démarches auprès du palier gouvernemental supérieur. « Le gouvernement du Québec a refusé [le projet] présenté au programme du Fonds d’investissement stratégique du gouvernement fédéral, affirme M. Pallage. Le refus n’a pas été motivé. » Pour participer au dit programme, il faut d’abord obtenir le consentement du gouvernement provincial.

Le Montréal Campus est toujours en attente du document officiel exposant les causes du refus, à la suite d’une demande faite auprès du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.

Le montant accordé à HEC Montréal et la pertinence de cette délocalisation sont des aspects qui font réfléchir le doyen de l’ESG. « C’est une question de société. L’argent public doit-il servir à mieux financer l’éducation ou à financer des pavillons d’universités en dehors de leur campus ?, se questionne M. Pallage. Vous savez, les 94 millions de dollars de fonds publics que l’on accorde à HEC correspondent assez bien aux compressions auxquelles se sont astreintes toutes les autres universités du Québec au cours des deux dernières années », souligne le doyen.

HEC répond aux critiques

Alors que l’UQAM estime qu’aucune étude de viabilité n’a été présentée par le gouvernement jusqu’à présent, l’administration de HEC Montréal a fermement défendu son projet dans un communiqué. « Plusieurs études ont été produites dans le cadre du dossier d’opportunité soumis au gouvernement. Plus de trente sites potentiels ont fait l’objet d’une analyse générale. De ceux-ci, dix ont fait l’objet d’études plus détaillées. » Aux yeux de HEC, ces recherches approfondies légitimeraient donc l’importante somme d’argent investie par le ministère.

HEC Montréal croit que le secteur identifié — entre la côte du Beaver Hall et la rue Saint-Alexandre, au centre-ville — permettra « de répondre encore mieux aux attentes exprimées par la communauté des affaires et les travailleurs» et de régler leur « problématique d’espace et qui assure le développement de l’École et du développement économique du Québec. »

Pour sa part, Stéphane Pallage n’y voit rien de rassurant. « Dans ce cas-ci, bien sûr, la concurrence est tout sauf saine, indique-t-il. HEC entend s’établir dans un périmètre très bien occupé par l’ESG et les deux autres écoles de gestion que sont JMSB [John-Molson School of Business de Concordia] et Desautels [affilié à l’Université McGill]. Clairement, HEC a pour objectif d’accroître sa part de marché. »

HEC Montréal se défend d’occasionner par son arrivée au centre-ville une concurrence déloyale. « L’ajout d’offre de formation en gestion en français sera bénéfique à l’ensemble de la communauté des affaires du Québec, peut-on aussi lire dans leur communiqué. Rappelons qu’au centre-ville de Montréal, il y a un bassin de 300 000 travailleurs dont 207 335 possèdent une scolarité de niveau collégial. »

Le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur n’a pas donné suite à la demande d’entrevue du Montréal Campus.

Photos: FÉLIX DESCHÊNES MONTRÉAL CAMPUS
Le projet de l’UQAM avait pour but d’étendre le pavillon DeSève (DS) dans l’ancien CLSC des Faubourgs, situé sur la rue Sanguinet.

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