Génies laissés pour compte

DOSSIER S’ÉDUQUER AUTREMENT | S’adapter aux nouvelles réalités des étudiants au cheminement scolaire atypique représente un grand défi pour les écoles québécoises. L’uniformité de l’éducation irrite de plus plus la nouvelle génération qui elle, n’est pas uniforme de par ses comportements et ses intérêts.

Contrairement à divers établissements de cycle primaire et secondaire, la majorité des universités québécoises n’offrent pas de programme d’adaptation précis pour les surdoués qui entament des études supérieures.

Le docteur Françoys Gagné, ex-professeur en psychologie à l’UQAM et spécialiste du « champ de la douance  » — néologisme dont il est l’auteur — croit que les étudiants surdoués nécessitent moins d’encadrement à l’université. « C’est au primaire et au secondaire que se trouve la masse de programmes [d’adaptation] et d’activités sur la douance », souligne-t-il en faisant référence à l’absence de cadre aux études supérieures.

Les jeunes surdoués représentent, selon l’organisme Haut Potentiel Québec fondé en 2012, entre 1 et 5 % de la population au Québec.  La Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSMB) et la Commission scolaire de Montréal (CSDM) sont les seules à offrir des plans pour soutenir les élèves doués. Depuis 2011, la CSMB a créé un « cadre pour aider le personnel et les jeunes doués à évoluer positivement avec les autres étudiants et les enseignants  ». Si des politiques ont été mises en place il y a 5 ans, celles-ci encadrent effectivement seulement les jeunes à l’école primaire et secondaire.

L’université donnerait pourtant une réelle occasion aux surdoués d’exploiter le plein potentiel de leur talent. « À l’université, les vrais défis débutent. Pour ma part, je ne me suis jamais autant éclatée que lorsque j’ai commencé la mécanique quantique. C’était un réel challenge  », avoue une étudiante surdouée de l’Université Laval désirant garder l’anonymat.

Toutefois, le fait de sauter des années peut avoir des effets néfastes. L’encadrement des besoins particuliers des surdoués se limite aux paliers primaire, secondaire et au cégep. L’absence de tels encadrements à l’université peut parfois créer un manque à gagner. « La carence de méthode de travail peut avoir beaucoup d’impact. Les jeunes peuvent frapper un mur lorsqu’ils arrivent à l’université. Cela peut même mener au décrochage  », souligne l’étudiante de l’Université Laval.

Pas de législation spécifique

Les universités québécoises n’ont pas de plan ni de politique précise lorsqu’il est question de l’admissibilité des jeunes surdoués au sein de leur établissement. Ces derniers passent par les mêmes critères de sélection que les étudiants normaux. « Les universités au Québec ne fonctionnent pas comme les universités américaines. Aux États-Unis, les plus grandes universités font passer des tests de QI alors qu’ici, les gens sont évalués à partir de la cote R, comme tout le monde, relate l’étudiante. Vous savez, la plupart des gens comme moi ne mettent pas cet aspect de l’avant  », conclut-elle

À l’université, les vrais défis débutent. Pour ma part, je ne me suis jamais autant éclatée que lorsque j’ai commencé la mécanique quantique.
Étudiante surdouée de l’Université Laval

Selon la directrice des communications de l’UQAM, Jenny Desrochers, « l’université ne fait pas de repérage des étudiants doués, si tant est de définir ce que signifie le terme doué  ». La plupart des universités effectuent une détection auprès des athlètes pour les recruter au sein de leurs équipes sportives, mais elles ne font pas de même pour les « intellectuels  ». Si certains jeunes Québécois s’en vont ainsi pour étudier à l’extérieur, ce n’est pas une question de demande, mais bien d’intérêt personnel. « Lorsque certains étudiants surdoués quittent le Québec vers de prestigieuses universités américaines, c’est souvent parce que leurs champs d’études ne sont pas assez développés ici  », soutient le Dr Gagné.

L’expert reconnaît l’importance des programmes de sport-études, mais déplore qu’il n’existe aucune équivalence pour les jeunes surdoués. « On ne conteste jamais le regroupement des jeunes qui ont des talents et des habiletés sportives exceptionnels, affirme-t-il. Tous nos espoirs ayant un talent sportif ont la chance durant leurs études d’avoir des programmes adaptés pour leur permettre de participer à leurs entraînements et à leurs compétitions. Dès qu’il est question de faire la même chose dans le domaine intellectuel, c’est le blocage complet.  »

Des solutions inexploitées

L’État, qui possède les ressources pour encadrer ces cas particuliers, ne les utiliserait pas à bon escient. « Utiliser l’accélération scolaire [NDLR: le fait d’accélérer le parcours d’apprentissage d’élèves talentueux en leur faisant sauter des années] de façon beaucoup plus fréquente pourrait grandement aider ces élèves. Dans la mesure où toutes les recherches sur l’accélération scolaire ont démontré leurs vertus  », lance le docteur. Le modèle sur lequel se base le système scolaire ne prendrait pas non plus en compte la réalité des jeunes doués. « Le système est basé sur un modèle “âge et degré”, ajoute du même souffle le chercheur. Le simple fait d’utiliser ce système nie complètement le fait que des élèves apprennent beaucoup plus vite que d’autres. »

Le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) ne possède aucun encadrement législatif adapté à leur situation. Toujours selon M. Gagné, il n’y aurait aucune volonté de la part du gouvernement de développer convenablement ces jeunes gens talentueux. « Il y a des choses assez particulières au Québec.  Au ministère de l’Éducation, il n’existe aucun poste et aucune personne en fonction attitrée au développement des talents scolaires. La douance, ça n’existe pas. Il n’y a aucun politique, absolument rien. Ce n’est pas une priorité  », déplore-t-il.

Photo: CATHERINE LEGAULT MONTRÉAL CAMPUS
Françoys Gagné, ex-professeur en psychologie à l’UQAM, déplore le manque d’intérêt des universités envers les étudiants surdoués.

Commentaires

Une réponse à “Génies laissés pour compte”

  1. Avatar de Chrystine

    Bonjour,

    Vous serez sans doute intéressés par notre communiqué.
    http://www.csmb.qc.ca/fr-CA/medias-tous/communiques/2019-2020/colloque-douance.aspx

    Je vous souhaite une belle journée.

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