ESPRIT DE CLOCHER | 8h15, lundi matin

Les deux yeux pochés, grosse soirée la veille. Mettre les pieds dans le pavillon Judith-Jasmin est bien en bas sur la longue liste des « choses à faire aujourd’hui ». Mais un examen de 40 %, ça ne se manque pas. Il faut donc regarder droit devant, pas si loin derrière le camelot de l’Itinéraire, et entrer à l’UQAM. Outre de se dire que « la journée va être longue », l’envie d’un café devient inévitable. Justement, le Café Gourmet est stratégiquement placé aux portes de l’Université au cœur de la station Berri-UQAM. Si cette envie surgit après avoir barré son vélo sur De Maisonneuve, le Second Cup trône au-dessus du Couche-Tard. Le cours d’Introduction aux relations internationales est déplacé au mythique pavillon V : le Il Panino est sur le bon chemin!

Les options commerciales sont légion dans le Quartier Latin pour ne pas encourager les irréductibles cafés étudiants de l’UQAM. Starbucks, Second Cup, Van Houtte, Tim Hortons, il ne manque pas de chaï latte à la citrouille au d’eau de vaisselle aromatisée entre Ontario et Sainte-Catherine. Ces cafés sont pourtant loin de faire faillite alors que les nombreux touristes et travailleurs du coin peuvent très bien remplir leurs coffres.

À l’opposé, les huit cafés étudiants présentés dans le dossier de ce numéro du Montréal Campus ont de plus en plus de difficulté à terminer leur année financière dans le vert. Le café des Arts – lumineux havre de paix au sommet du Judith-Jasmin – affiche un déficit de 50 000$. Le café Aquin doit s’en remettre à l’aide financière de l’Association facultaire étudiante des sciences humaines pour survivre. Le seul qui semble tirer son épingle du jeu, le Salon G, affirme tout faire pour ne pas se retrouver avec des surplus et perdre de sa marchandise. Et quoi qu’en dise son gérant, son emplacement stratégique au carrefour des trois plus importants pavillons de l’Université doit en jouer pour beaucoup dans sa viabilité.

Car – on va se le dire – l’accessibilité est essentielle pour attirer une clientèle nombreuse et engranger des profits. Ce n’est pas la mauvaise qualité des produits qui pénalise les cafés étudiants : entre un café du Starbucks ou un bio, équitable et bien plus savoureux, la question ne se pose même pas! Leur méconnaissance de la part des étudiantes et étudiants ainsi qu’une certaine paresse de ceux-ci, est, à mon avis, le talon d’Achille des cafés uqamiens: pourquoi aller jusqu’au 6e étage du Judith-Jasmin, pourquoi retirer quelques dollars du guichet automatique, pourquoi marcher pour retourner ma tasse lorsque tout est tellement plus simple en allant aux gros commerces de Saint-Denis? Parce que ces cafés sont essentiels à un écosystème universitaire sain. Car ils offrent des lieux de rencontre uniques et chaleureux pour les étudiants de l’UQAM. Ces cafés emploient des étudiantes et des étudiants et se positionnent — comme en témoigne l’organisation de leur bed in — sur d’importants enjeux universitaires.

J’invite donc la population étudiante à faire un effort pour se défaire de ses habitudes de consommation auprès de cafés commerciaux pour encourager ceux tenus par ses confrères et consoeurs. Si ce coup de pouce n’est pas assez pour qu’ils puissent se rémunérer, donnons-leur une certaine gratitude pour leur travail très (trop) souvent bénévole.

Car s’il est 8h15 à l’UQAM, il est minuit moins une pour ses cafés étudiants.

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