Du vin et des jeux : la recette gagnante pour les 18-30 ans

Interactivité, expositions éclatées, alcool et musique immersive : c’est la solution trouvée par les musées montréalais pour aller chercher la récalcitrante génération des 18-30 ans, qui boude les expositions traditionnelles.

Au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), l’événement du vendredi 14 octobre, Clairs-obscurs, répondait exactement à la demande d’une génération qui sent le besoin de participer à des événements ponctuels et fêtards. « C’est plus que des toiles sur des murs et on a voulu le prouver avec Clairs-obscurs », affirme Jean-Sébastien Bélanger, chef du service aux membres du MBAM.

Effectivement, dans les dédales du musée se multipliaient les bars et kiosques de nourriture entre lesquels des jeunes se baladaient, certains couverts de quelques restants de peinture phosphorescente, provenant d’une fresque conçue dans une salle de création libre produite par l’agence de communications Baillat. Des éclats de voix provenaient d’un balcon où une chanteuse d’opéra poussait des notes, accompagnée du DJ KNLO, une combinaison qui offrait une performance éclatée.

Les jeunes étaient au rendez-vous spécifiquement pour participer à cette soirée hors du cadre classique du MBAM. « Je ne serais jamais venu s’il n’y avait pas eu un event comme ça », affirme Mathieu, un cégépien qui s’est déplacé avec quatre de ses amis. Jean-Sébastien Bélanger admet que c’est le premier événement qui s’adresse directement aux 20-30 ans. « Il fallait créer un engouement », précise-t-il, en ajoutant que cette génération est difficilement atteignable avec les moyens publicitaires traditionnels.

Malgré quelques mesures tarifaires réduisant le prix d’entrée pour étudiants, les jeunes ne représentent que quelques têtes éparses dans le public du MBAM. Un maigre 14 % des membres du Musée ont moins de 30 ans alors qu’ils représentent près d’un quart de la population montréalaise.

Art technologique : Une bouée de sauvetage

Clairs-obscurs semble avoir renversé la vapeur pour le musée vieux de plus de 150 ans. L’exposition a réussi à attirer quelque 1400 personnes, en plus d’avoir favorisé la vente de 600 nouveaux abonnements aux moins de 30 ans. Le MBAM prévoit renouveler l’expérience en tenant des rencontres comparables quatre fois par an.

Cet événement lancé par le Musée des beaux-arts de Montréal n’est pas isolé. Des démarches semblables existent déjà au Musée d’art contemporain (MAC) qui présente quatre fois par année, depuis 2014, les Nocturnes, lors desquelles l’établissement ouvre ses portes jusqu’à 2 h du matin. Autre initiative, la Nuit blanche dans le cadre du festival Montréal en lumière, un événement où le grand public peut visiter des expositions pendant la nuit entière. C’est une des rares occasions de voir de longues files d’attente devant les musées.

Myriam Achard, directrice des communications au Centre Phi, salue les initiatives du MAC et du MBAM qui tentent de rajeunir leur clientèle. Le Centre Phi mise de son côté énormément sur les réalités virtuelles ces dernières années. « En ne fixant pas longtemps à l’avance notre programmation, ça nous permet de rester à l’affût de la nouveauté », affirme Mme Achard. Une stratégie qui fonctionne puisque les jeunes représentent une part majeure de leur public.

Les initiatives multidisciplinaires semblent indéniablement être à l’avant-scène, même loin de la métropole. Un festival de médiation muséale, Museomix, se tiendra du 4 au 6 novembre à Québec dans le monastère des Augustines. Entre la compétition et la performance, Museomix propose à des équipes de développeurs, d’ingénieurs et de créateurs d’investir un musée et de proposer des solutions pour rendre le lieu plus interactif et créer un dialogue entre le public et l’exposition, explique Gwladys Bernard qui a organisé Museomix au Québec et en France. L’idée derrière ce festival, qui existe depuis 2011, est de rendre plus accessible l’œuvre au grand public, précise Véronique Boisjoly, coordonnatrice de Museomix à Québec et vice-présidente du festival.

Jeux interactifs et alcool : l’art est-il toujours la vedette?

Dans ce genre d’événements ludiques comme les Noctures et Clairs-obscurs, les corridors deviennent un terrain de réseautage particulier où se massent plusieurs jeunes. Derrière les portes closes des salles d’exposition, l’achalandage est moins important, les attroupements se développent en agrégats autour des jeux proposés.

« Il y a toujours des puristes qui vont se sentir loin de leurs habitudes, mais il en faut pour tous les goûts », croit Véronique Boisjoly. Cette dernière précise que les prototypes créés pendant son festival sont des options innovantes pour donner vie à une œuvre ou un objet. Par exemple, une installation a été créée pour faire vivre concrètement les effets de la censure sur les œuvres littéraires. Le spectateur pouvait manipuler virtuellement des archives et voyait le texte changer, comme suite aux sanctions de l’Église. À la fin de l’expérience, et après le caviardage complet du texte, le lecteur ne pouvait plus du tout identifier le propos d’origine. « Pour ceux qui n’ont pas le bagage nécessaire, l’interactivité est une porte d’entrée pour rendre le musée plus accessible », explique-t-elle. Le ludique ne tend pas ici à une désintellectualisation de l’art, mais bien à une démocratisation de son appréciation.

La coordonnatrice de Museomix milite pour une révolution de l’expérience muséale plus accessible. « Les musées nous appartiennent! Alors que des fois, on se sent en visite chez quelqu’un, et qu’on a le droit de ne rien faire, de ne rien toucher », dit-elle à la blague.

Photo: LÉA BOUTROUILLE MONTRÉAL CAMPUS
L’événement Clairs-obscurs, qui s’est déroulé le 14 octobre au MBAM, visait à rejoindre une clientèle plus jeune.

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