Fabriquer des radicaux

La situation planétaire actuelle est un terreau fertile en arguments et en motivations pour les individus enclins à se radicaliser, estime l’homme politique et ancien premier ministre du Mali, Moussa Mara. « Le monde aujourd’hui est devenu une fabrique de radicaux », a-t-il affirmé lors d’une conférence sur la radicalisation organisée le 28 septembre à l’UQAM.

Selon Moussa Mara, au Mali comme ailleurs en Afrique, il y a un rapport entre le manque de perspectives d’avenir des jeunes, les dynamiques de conflits et l’utilisation de la violence. Il indique que les législations autour de la laïcité dans les pays occidentaux, comme l’interdiction du port du voile ou du burkini, sont perçues comme une agression contre une religion et « peuvent alimenter la frustration et le sentiment de marginalisation et donc susciter en réaction des trajectoires violentes » de la part des pratiquants de la religion visée à travers le monde.  

Le phénomène de radicalisation n’est pas exclusif aux groupes terroristes religieux. « Il suffit de regarder comment, dans les pays occidentaux, la tendance politique est à la simplification des discours et au regain du populisme, fait remarquer M. Mara lors de la conférence organisée par la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques. Le populisme n’est pas autre chose que de la radicalisation politique. »

De l’autre côté de l’Atlantique

Au Québec, l’adhésion à un groupe radical résulte souvent d’une quête identitaire et d’une difficulté à accepter le statu quo, selon l’agente de recherche au Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence (CPRMV), Meriem Rebbani-Gosselin. « Il n’y a pas de corrélation directe entre le manque de perspectives et la radicalisation, mais il est vrai que les inégalités sociales peuvent amener les individus à rejoindre des mouvements radicaux violents ou non », précise-t-elle.

La chercheuse ajoute que la radicalisation est impossible à prédire. Même dans le cas des jeunes recrutés par des groupes djihadistes où les revendications religieuses sont bien présentes, il est difficile d’identifier l’élément déclencheur. « Il n’existe pas de profil type », insiste-t-elle. Le CPRMV observe néanmoins des points communs comme une remise en question de sa place dans la société, une inquiétude et un sentiment de révolte quant aux conflits mondiaux, en plus de circonstances personnelles. Ces facteurs forment la « tempête parfaite » lorsqu’ils se réunissent chez un individu et que la radicalisation devient la solution aux problèmes.

En d’autres termes, il s’agit d’une rare combinaison de circonstances qui va considérablement aggraver une situation. « En soi, n’importe quel adolescent ou jeune adulte traversera une période de quête de sens ou vivra des échecs scolaires ou relationnels, etc. C’est normal, mais ils deviennent alors plus vulnérables à toutes sortes de discours », souligne Mme Rebbani-Gosselin.

Renverser la vapeur

Malgré son portrait pessimiste de la situation malienne et globale, Moussa Mara croit qu’il est possible d’y remédier. À son avis, les États doivent mieux répondre aux besoins des citoyens et les leaders musulmans doivent promouvoir une meilleure vulgarisation de la religion à l’international.

Au Québec, Meriem Rebbani-Gosselin explique qu’on mise sur la sensibilisation aux discours radicaux, afin de les aborder avec un esprit critique et favoriser la littératie numérique. La chercheuse rappelle que la radicalisation est plurielle. Fondamentalisme religieux islamique ou chrétien, conspirationnisme, extrême droite, sectes… « Ce n’est pas aussi limité ou évident qu’on pourrait le croire », prévient-elle.

 

Photo: JULIE LEVASSEUR
Moussa Mara, homme politique et ancien premier ministre du Mali

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