L’hypocrisie pour tous

«Quelle justice ? Quelle équité ? Ouin, qui est-ce qui nous a mis ça dans la tête, hein?» Un cri infiniment vulgaire de 76 minutes sur l’hypocrisie sociale, avec fond d’évasion fiscale, voilà ce qu’est le dernier long métrage Robert Morin, Un Paradis pour tous.

Stéphane Crête a comme rôle principal le personnage de Buster, Jean-Guy Simard de son vrai nom, un ancien travailleur au ministère du Revenu. Désabusé du système, il créée un vidéo dans lequel il relate au spectateur, qu’il assume être un travailleur de la classe moyenne, son parcours et les manœuvres efficaces et légales qu’il a prises pour éviter de payer de l’impôt. Stéphane Crête interprète aussi avec brio près d’une trentaine de personnages secondaires: hommes, femmes, Asiatiques, noirs, Arabes, musulmans, juifs, chrétiens et bien d’autres. «C’était à la fois une partie de plaisir, mais aussi une rigueur mentale, vu que j’étais tout seul à l’écran. Il a fallu qu’on trouve un système pour que je puisse jouer correctement dans le vide. C’était honnêtement un peu schizophrénique», confie-t-il au téléphone.

Contrer le vulgaire par le vulgaire

Robert Morin use de la mise en abîme avec Buster, qui reconstruit ses rencontres avec les autres personnages devant sa propre caméra. Pour recréer les scènes de ses rencontres, il se costume et se maquille avec un incroyable mauvais goût: ruban adhésif sur le nez, énormes faux seins, blackface, broches et rouge à lèvres écarlate, tout y passe. «On part avec l’idée que Buster est très doué de manière technique, mais n’a pas vu beaucoup de films, donc il va incarner des archétypes. Il a aussi toute cette colère contre les gens, qui va le pousser à les imiter de façon non compatissante, méchante en fait. C’est sa colère qui exagère les personnes en vaudeville», s’amuse Robert Morin.

Vulgarité essentielle

Le réalisateur attaque sur tous les fronts la liste entière de stéréotypes possibles. Le long métrage est ainsi raciste, sexiste, homophobe, en plus d’aborder avec ridicule des thèmes comme l’inceste, l’alcoolisme et la dépendance à la drogue.

La vulgarité qui se retrouve au centre du film est essentielle au propos. Morin explique que choquer le spectateur était délibéré. «On a voulu s’inscrire dans la tradition de combattre la vulgarité par la vulgarité. La vulgarité suprême étant l’évasion fiscale. Tout le mauvais goût dont on a été capable, on l’a mis au service de ramener ça sur un point de fuite, qui était d’éviter de donner à la société ce que tu lui dois», affirme-t-il. L’excellente scène de la fin illustre très bien le ridicule du film.

Tourné sur une période d’un peu moins d’un an, Un Paradis pour tous se révèle un trésor de mauvais goût jusque dans ses plans: la caméra est ainsi très souvent attachée au personnage, à la manière d’un ego portrait. Robert Morin présente donc un film individualiste et grotesque qui a tout pour choquer son public. «Mon travail d’artiste c’est de foutre le trouble, de créer des débats, de créer de la chicane et de faire en sorte que les gens s’obstinent. Tout ce que je peux faire pour créer ça, je le fais, je n’hésite pas une seconde», conclut-il.

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