Coupes au DPCP: des impacts sur les enquêtes et sur les stages

Les coupes au budget du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) prévues dans le Budget Leitão pourraient entraîner une prolongation des délais judiciaires, notamment dans les dossiers liés au crime organisé, de même qu’une perte de stages chez les étudiants des facultés de droit québécoises.

Sur fond d’équilibre budgétaire anticipé, le Budget Leitão prévoit des coupes de cinq millions de dollars au budget du DPCP, qui passera de 127 à 122 millions pour l’année 2016-2017. Sous l’autorité du ministère de la Justice, le DPCP a pour rôle de diriger les poursuites criminelles et pénales au Québec et d’y représenter l’État par le biais de ses procureurs. Au-delà de sa qualité de poursuivant, qui lui permet d’autoriser les poursuites et de porter des causes en appel, il fournit aussi plusieurs ressources pédagogiques à la population québécoise et garantit la protection des témoins dans le cadre des poursuites criminelles. De plus, il parraine et soutient plusieurs unités d’enquêtes, dont l’Unité permanente anti-corruption (UPAC). S’il est trop tôt pour connaître les effets véritables de ces coupes sur le champ d’action du DPCP, l’Association des procureurs aux poursuites criminelles se dit toutefois inquiète, envisageant entre autre une réduction de ressources et de personnel.

Ces compressions au DPCP ne sont toutefois pas les seules liées à l’administration de la justice. L’enveloppe budgétaire générale prévue pour « la Justice » connaitra une croissance anémique de 1,5%; une augmentation à la fois inférieure à la croissance générale des dépenses gouvernementales (2.7%) et à celle des coûts du système (2%). Un tel sous-financement fait craindre un ralentissement supplémentaire des procédures judiciaires au Québec, où la durée médiane de traitement des causes est de 238 jours, la plus longue au Canada.

Les stagiaires de l’UQAM victimes des coupes

Les compressions au DPCP ont un impact direct sur les étudiants du département des sciences juridiques de l’UQAM. Celles-ci devraient entraîner une diminution significative du nombre de stages au DPCP, un employeur de choix pour nombre de futurs juristes intéressés par une carrière en droit criminel et pénal. C’est du moins ce que plusieurs acteurs du milieu craignent, alors que le DPCP se refuse pour le moment à annoncer officiellement le nombre de stages qui seront disponibles pour les finissants du Barreau. Rappelons que sur 13,6% d’avocats et avocates accrédités au Québec travaillant pour le gouvernement provincial (soit 3412 avocats et avocates), 550 sont procureurs/res au DPCP.

Alors que, selon le Barreau du Québec, le nombre d’étudiants admis au Barreau augmente annuellement de 1,2% à 2,6% depuis les cinq dernières années et que les avocats de 65 ans et plus tendent à retarder leur retraite, le Jeune Barreau de Montréal tire le portrait d’un marché de l’emploi difficile pour les gradués des facultés de droit québécoises. Dans un tel contexte, la diminution du nombre de stages complique d’autant plus les perspectives professionnelles des nouveaux gradués de l’UQAM.

Impacts sur les enquêtes de l’UPAC

Si la sortie du Budget du Québec monopolise habituellement la couverture médiatique, il aura cette année souffert de l’éclipse Nathalie Normandeau. Dans un scénario digne des pires cauchemars d’un stratège libéral, la conclusion de l’enquête Joug est venue éclipser ce qui aurait dû être l’annonce des jours meilleurs promis par le gouvernement Couillard. D’autres coups de filet de ce genre sont toutefois compromis par les compressions annoncées au DPCP, partenaire de l’UPAC. Déjà, fin 2015, le DPCP avait dû fusionner le Bureau de lutte au crime organisé, le Bureau de lutte aux produits de la criminalité et le Bureau de lutte à la corruption et à la malversation, faute de fonds. Sur les 110 procureurs de ces trois équipes, seuls 60 demeurent aujourd’hui à l’embauche de ce nouveau bureau combiné. Cette fusion amène de nombreux procureurs à craindre une diminution du nombre d’enquêtes en matière de corruption, tel que le rapportait La Presse en octobre dernier. Bien qu’il soit encore trop tôt pour tirer des conclusions sur l’effet cumulé des fusions et des coupes sur la pérennité des enquêtes en cours, la situation demeure préoccupante.

*L’auteur est étudiant au baccalauréat en sciences juridiques à l’UQAM.

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