Anticapitalistes aux mille visages 

Plusieurs centaines de personnes sont attendues dimanche dans le centre financier de Montréal pour la traditionnelle manifestation anticapitaliste du 1er mai, concordant avec la Journée internationale des travailleurs et travailleuses. Le rassemblement réunira en son contingent une grande diversité de protestataires: étudiants, syndicats indépendants et corporatifs de travailleurs, organisations révolutionnaires et autres citoyens aux revendications foncièrement similaires, mais aux méthodes inéluctablement divergentes.

Le Syndicat industriel des travailleurs et travailleuses – Industrial Workers of the World (SITT-IWW ) organisera un barbecue familial au parc Lafontaine dès 11h. L’organisation, qui compte environ 180 membres à Montréal, a pour mot d’ordre l’«intersectionnalité». «On se positionne à l’intersection entre les groupes militants en lutte et on créé des ponts, on créé de la solidarité et on bâtit un mouvement au-delà des bannières de groupes», explique Adam Veilleux, travailleur en construction et membre du syndicat. La journée du 1er mai se prête parfaitement à l’intention de rassembler tous ces groupes, selon lui, puisque la lutte anticapitaliste touche un grand nombre d’individus. Se joindront au SITT-IWW les nombreux syndicats de la Fédération des Travailleurs du Québec (FTQ), qui a lancé son appel usuel à se rassembler pour la fête internationale des travailleurs et travailleuses.  

Le Syndicat des étudiant-e-s et employé-e-s de l’UQAM (SETUE) et ses portes-paroles seront présents au rassemblement matinal, en compagnie du Syndicat des Employé(e)s du Centre Hospitalier de l’UdeM (SECHUM), de SOS Itinérants, du Mouvement Action-chômage, mais aussi du Collectif opposé à la brutalité policière (COBP), pour ne nommer que ceux-là. Jennifer Bobette, membre du COBP, explique qu’il est important que le Collectif réponde présent à l’invitation du SITT-IWW de participer au rassemblement. «Qui protège les capitalistes? Les policiers. Donc nous, on a notre raison d’être là», défend-elle. Le COBP participera ensuite à la marche organisée par la Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC). 

La marche des insurgés  

 À quelques pas du rassemblement au parc Lafontaine, la CLAC appelle à un mouvement de perturbation économique du centre-ville de Montréal. Dès 15h, son «continent rouge» partira du Square Philips et de l’entrée de l’Université McGill pour amorcer la manifestation. La CLAC, groupe d’extrême gauche, préconise «l’émancipation des prolétaires par la révolte». Les groupes qui se réunissent derrière ses bannières sont variés et leurs luttes aussi: le mouvement anticapitaliste se proclame également contre le racisme, contre l’impérialisme et le colonialisme. «On est une convergence d’individus, qui regroupe des anticapitalistes, des féministes, des communistes et anarchistes. On travaille aussi avec des groupes communautaires, des mouvements étudiants et des personnes qui se politisent, qui participent pour la première fois à une manif», décrit Mathieu Laflamme, membre de la CLAC.

Avant 2010, seul le mouvement syndical organisait un rassemblement le 1er mai, mais la CLAC a décidé d’instaurer sa propre manifestation autonome, en réponse à une action syndicale qu’elle considère trop peu combative et radicale. « La manifestation des centrales syndicales au Québec depuis quelques années est plus une fête pas très revendicative. Il y a une différence entre eux et nous par rapport au discours et surtout par rapport aux moyens [de protester]», commente Mathieu Laflamme.  

Bien qu’il prenne part au mouvement plus familial du 1er mai, le SITT-IWW acquiesce cependant aux critiques de la CLAC envers les syndicats, tout en apportant une nuance à l’approche des groupes radicaux. «On veut que les gros syndicats recommencent à faire de l’éducation populaire, recommencent à faire de l’agitation sur leurs lieux de travail, ce qu’ils faisaient jusqu’aux années 1970 et qu’ils ont arrêté de faire au Québec. Et on veut que ces gens-là rencontrent les groupes anticapitalistes, qui eux au contraire, ne font que de l’action revendicatrice, mais pas de l’action à l’interne», commente Tristan, barista et membre du SITT-IWW.   

La masse étudiante est une des voix se faisant entendre de plus en plus fort dans le mouvement anticapitaliste depuis quelques années, comme les grèves et ralliements organisés par les étudiants en témoignent. « J’ai l’impression que de manifester, ça montre qu’il y a un rapport de force: il y a une masse de personnes qui sont prêtes à sortir dans la rue et se mobiliser. Avec notre génération, il y  a clairement un renouveau», estime Sabrina Zinnia, étudiante en travail social à l’UQAM. La jeune femme de 25 ans fait partie de ces centaines d’individus qui, bien qu’ils n’aient pas de « carte de membre » d’un groupe en particulier, considèrent primordial de s’insurger individuellement contre les injustices sociales. «Le capitalisme, ça a été créé, souligne-t-elle. Son caractère construit, le fait qu’il ait eu un début, ça veut dire qu’il peut y avoir une fin à cette exploitation de l’humain par l’humain.»  

Ces dernières années, des centaines d’arrestations ont eu lieu pendant les actions anticapitalistes du 1er mai. En 2015, trois agents du SPVM avait été blessés, mais on comptait également au moins cinq blessés ayant dû être transportés à l’hôpital parmi les protestaires. « Il y a toujours des risques et les manifs me faisaient peur à un moment donné. Mais celle du 15 mars contre la brutalité policière s’est bien passée, alors je me dis que ça va peut-être bien se passer aussi dimanche», espère Sabrina Zinnia.

Photo: André Querry

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