D’une cause à l’autre

Le Syndicat des étudiant-e-s employé-e-s de l’UQAM (SETUE) défraie les manchettes depuis le déclenchement d’une grève de ses membres le 7 décembre dernier. Sa porte-parole, Chloé Fortin Côté, multiplie depuis les entrevues, conjuguant à son poste de représentante syndicale ses cours universitaires et ses engagements au sein de Québec solidaire.

La femme de 24 ans est assise devant les hautes fenêtres latérales qui donnent sur la cour intérieure du pavillon Hubert-Aquin, faisant dos aux murs tapissés de slogans, gribouillis et fresques bigarrées dessinés en écho aux mouvements étudiants des printemps 2012 et 2015. Le soleil hivernal baigne de ses rayons sa veste en denim ornée de macarons aux couleurs du SETUE et de la communauté LGBT.

Nous sommes le mercredi 9 mars, quelques jours avant que le SETUE ne souligne ses cent premiers jours de grève illimitée. Aspirée dans un tourbillon depuis que s’est amorcé le bras de fer entre son syndicat et la direction uqamienne, la mesure et la placidité de l’étudiante surprennent. Si elle convient que son emploi du temps est fort chargé, Chloé Fortin Côté est toutefois d’avis qu’il ne pourrait en être autrement. Depuis l’adolescence, la militante enchaîne mille et un projets, dès qu’elle «commence à comprendre qu’il y a des causes sociales qui doivent être défendues». «À l’âge de 15 ans, je me suis opposée au droit de vote à 16 ans, parce que je me rendais compte qu’il y avait des lacunes dans l’éducation politique qu’offrait notre système d’éducation», soulève-t-elle en guise d’exemple.

L’auxiliaire d’enseignement à l’École de langues confie être devenue la voix des étudiants employés un peu malgré elle. «Je suis simplement allée voir une personne à la fin de l’assemblée générale [du 4 décembre], révèle-t-elle. Je leur ai dit que j’avais du temps et de l’expérience, et que je pouvais le faire s’ils ne trouvaient personne. Le comité exécutif a procédé à mon élection le vendredi en soirée, et le lundi suivant on avait la ligne [de piquetage] dure devant les portes de l’UQAM.»

Chloé Fortin Côté estime avoir obtenu jusqu’ici la confiance des quelque 3000 étudiants employés qu’elle représente, non sans reconnaître qu’un tel travail comporte son lot de difficultés. «Le défi, c’est d’unifier les voix des membres qui sont derrière en une seule voix, qui représente ce que les gens auraient envie de dire s’ils étaient à ta place.» L’étudiante ne cache toutefois pas le stress qu’elle a parfois ressenti depuis son accession au poste de porte-parole. «Les directs à la télévision, c’est toujours stressant, concède-t-elle. Après 30 ou 45 secondes, c’est fini. Alors, il faut que tu saches quoi dire et que tu sois capable de puncher.»

Salon bleu

Chloé Fortin Côté n’en est pas à sa première expérience avec les médias. Dans la foulée des élections québécoises de 2012, la jeune bouchervilloise raconte avoir été candidate sous la bannière de Québec solidaire dans la circonscription de Montarville; une expérience qu’elle a renouvelé deux ans plus tard, dans le comté de Vaudreuil. «Après ça, la relation avec les médias et parler devant des gens, ce n’était plus un problème», lance-t-elle, laissant échapper un rire contagieux.

Férue de politique, l’aînée d’une famille historiquement militante participe depuis la fin de son secondaire à diverses simulations parlementaires. Depuis maintenant quatre ans, elle intègre les rangs du Caucus des Rouges – émule idéologique du Parti libéral – et s’exerce à la politique provinciale entre les murs de l’Assemblée nationale. La dernière édition du Parlement étudiant du Québec a toutefois été particulière. Alors qu’elle enfilait d’ordinaire pantalons et chemises, c’est en tailleur et talons hauts que l’étudiante de science politique est entrée au Salon bleu.

Dans les faits, sa transition identitaire s’est amorcée l’an dernier, alors qu’elle quittait le nid familial. Peu de temps après s’être installée dans la métropole, Chloé Fortin Côté témoigne avoir vécu un passage à vide, où ses implications ont drastiquement chuté. S’est produite alors la décharge réflexive qui lui était cruciale pour s’attaquer au «mal-être» qu’elle trainait depuis plusieurs années. «C’était la première fois que je pensais à moi depuis que j’avais 15 ans», résume-t-elle, référant aux multiples engagements qui ponctuaient son quotidien depuis la fin de son secondaire.

L’étudiante affirme sans ambages que son déménagement a été un point tournant dans sa décision de devenir une femme. «La relation [avec mes parents] n’est pas la plus cordiale, laisse-t-elle tomber. Chez nous, en matière de diversité sexuelle, il n’y avait que l’homosexualité qui était connu. Il a donc fallu que je fasse mes propres recherches, que je sache moi-même qui j’étais.» Depuis le début de son processus de changement de sexe — toujours en cours —, Chloé Fortin Côté a pu compter sur l’appui de son entourage, notamment d’une amie «sans qui, [elle] ne serait pas là aujourd’hui». «J’ai tellement eu de soutien de mes amis, des gens ici à l’université et au travail. Tout cet immense soutien là a fait en sorte que ça été plus facile, mais je crois que si la grève du SETUE avait été l’an passé, je n’aurais probablement pas été porte-parole.»

L’étudiante prépare actuellement une conférence sur la transsexualité qu’elle donnera l’automne prochain au CEGEP du Vieux-Montréal. «Maintenant, je sais qui je suis. C’est le temps de reprendre le service public et d’aider du mieux de mes capacités avec les aptitudes que j’ai», résume-t-elle avec assurance.

Photo: Alexis Boulianne

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