« Cessons d’appeler tout ce qui est vert de l’écotourisme ! »

L’écotourisme, qui gagne en popularité de manière exponentielle, fait face à des problèmes qui touchent l’ensemble des voyageurs soucieux de l’environnement. Le concept, mal interprété par le marché, engendre des répercussions environnementales à long terme.

Avec une massification du tourisme de nature, cinq experts en la matière ont débattu sur l’essence même de ce mot qui est, malgré lui, étiqueté à l’écologie, lors de la conférence «L’écotourisme est-il vraiment éco?» au Cœur des Sciences de l’UQAM jeudi dernier. En dépit de la mauvaise utilisation du terme et de ses impacts négatifs sur l’environnement, il reste que l’écotourisme permet de conscientiser les individus qui pratiquent cette façon de voyager.

De plus en plus populaire, l’expression «écotourisme», qui est utilisée partout à travers le monde, ne fait plus référence à ce qu’elle signifie réellement. Selon le professeur au Département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM dont les recherches portent sur le tourisme et le développement durable, Alain-Adrien Grenier, l’écotourisme est un mode de gestion précis. «L’écotourisme doit minimiser son empreinte écologique pour protéger son écosystème», explique-t-il. Selon lui, les industries touristiques utilisent à tort cette expression. «Il faudrait plutôt parler de tourisme durable», déclare-t-il. Le tourisme durable tient compte de trois volets: l’environnement, la société et le développement économique, alors que l’écotourisme a une approche plutôt «biocentrique» pour protéger l’environnement. Le hic, c’est que le terme «écotourisme» n’est pas exclusif. Tous peuvent l’emprunter, même si la plupart des entreprises touristiques font plutôt du tourisme de nature ou du tourisme durable. Ce sophisme causé par un manque d’encadrement est de plus en plus présent dans la sphère touristique.

L’impact zéro n’existe pas

Bien que la volonté de respect de la nature soit au coeur de ce type de tourisme à la mode, il peut entraîner des conséquences néfastes pour l’environnement. La biologiste et présidente de Biodiversité Conseil, Kim Marineau, a exposé les nombreuses répercussions qu’a le voyageur sur les milieux naturels. «On donne accès à des nouveaux territoires, remarque-t-elle. Cette ouverture a un impact à long terme et modifie l’écosystème». Alain-Adrien Grenier critique de son côté la tendance du touriste à se justifier par son étiquette «d’écotouriste». «Ce n’est pas parce que l’on est en milieu naturel que l’on fait quelque chose de bien», affirme-t-il. Selon la biologiste, il faut minimiser l’espace touristique en nature pour canaliser l’impact de celui-ci. «Il faut laisser des endroits où le processus écologique ne sera pas interrompu par les humains», poursuit Kim Marineau.

Le directeur général d’Aventure Écotourisme Québec, Pierre Gaudreault, met de l’avant l’importance d’une aire contrôlée de tourisme, puisque la pratique libre engendre la dégradation des écosystèmes. «Lorsque les touristes sont pris en charge par une microentreprise en région, avec des guides locaux, et qu’ils favorisent l’économie au niveau régional, les répercussions sont beaucoup moins grandes», relate-t-il.

Éduquer pour sensibiliser

Les bénéfices de ce tourisme sont pourtant bien présents, notamment de favoriser l’adoption d’un mode de vie plus écologique. Selon le conseiller à la conservation et à l’éducation à la SÉPAQ, René Charest, l’accessibilité des zones protégées aux touristes permet d’éduquer les gens vers la sensibilisation de la nature. «Cela va donner un sens à la conservation et va créer chez l’individu un lien affectif avec la cause de la protection de la nature et de la biodiversité», précise-t-il. Cette contemplation de la nature dans les parcs nationaux par le touriste lui induit une plus grande conscience environnementale.

Toutefois, il beaucoup plus difficile de respecter l’écosystème dans un pays qui n’a pas autant de ressources financières. Le fondateur et guide de Karavaniers voyages d’aventure, Richard Remy, en est conscient, et priorise pour ce faire un tourisme durable qui rejoint la communauté locale et respecte les milieux naturels. «On a un problème de riche. On peut dans notre société s’attarder aux enjeux environnementaux, tandis que dans des pays plus pauvres, tel que le Népal, qui ne peuvent pas se soucier de cela, c’est à nous que revient le rôle de sensibilisation», souligne-t-il. Ce guide d’aventure planifie des voyages de groupe, et conscientise ses clients sur l’importance de l’environnement et du développement économique de la communauté locale.

L’écotourisme va au-delà du voyage en milieu naturel. Ce mode de gestion engage le touriste à reconnaître ses responsabilités face à l’environnement qu’il visite. «Il faut sortir le préfixe “éco” du mot tourisme écologique, souhaite Alain-Adrien Grenier. Cela devrait allumer une petite lumière, pour dire que c’est plus que marcher dans une forêt, c’est de marcher de façon écologique! Si on arrive à semer cette ouverture-là, il y a peut-être de l’espoir». L’écotourisme souffre, malgré lui, de son propre paradigme.

Photo : Alexis Boulianne

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