Boris avec Altmejd

«Toutes les maladies ont leur temps, leurs couleurs, leur époque». Nos malades à nous n’ont plus la peste d’autrefois, ils souffrent d’individualisme narcissique qui pue au nez. Seule une chute brutale peut les guérir. C’est ce qui arrive à Boris sans Béatrice.

Pour son dernier film, le réalisateur Denis Côté, curieusement plus apprécié à Berlin qu’au Québec, s’offre une œuvre qui hante et bouleverse autant l’auditeur que son personnage principal, Boris, incarné par James Hyndman (Trauma). L’acteur y interprète un homme d’affaires arrogant, éloigné de sa famille et ayant quelques amantes. Son piédestal est ébranlé lorsque sa femme Béatrice (Simone-Elise Girard, envoûtante) tombe malade et souffre de profonde mélancolie. Tout est mis en place pour le début d’une chute brutale, celle de Boris, qui incarne ici toute une race d’hommes blancs du 21e siècle, désinvestis de leurs relations se croyant invincibles avec leurs réussites personnelles.

Un aimant au centre

L’esthétique minimaliste du film, limitée principalement à la maison de campagne du couple, contraste fortement avec la richesse des plans de Denis Côté. Aucune scène n’est superflue, et surtout, tout est parfaitement cadré. La plupart des images ont de grandes qualités photographiques (ligne de tiers, équilibre) et le spectateur est rapidement absorbé par le récit, tout comme l’est le personnage principal.

Cette façon de filmer rappelle Vic + Flo ont vu un ours, film précédent du réalisateur, mais la quête du héros est ici plus puissante. C’est que Boris doit se déconstruire pour sauver sa femme. La scène où le personnage se retrouve seul dans une exposition de David Altmejd est absolument révélatrice. En regardant les personnages déconstruits et abstraits du sculpteur québécois, Boris comprend tout le travail qu’il a devant lui pour reconquérir son monde sensible. Rarement l’œuvre d’Altmejd a-t-elle été autant synchronisée esthétiquement avec un acteur; c’est là une des nombreuses forces du film. La fin sur fond de sagesse grecque fait réfléchir, plus que n’importe quel film sorti cette année jusqu’à maintenant.

Le drame moral du film provoquant un changement chez le personnage principal peut rappeler l’oeuvre de Kieślowski, mais son côté bourgeois a également des allures d’un Antonioni. Nous l’avons, ce grand réalisateur, allons-lui dire avant que les Allemands ne l’adoptent définitivement.

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