L’illusion est partout | Deuxième édition des rendez-vous du Cinéma historique

La Grande Illusion, un film réalisé par Jean Renoir, a été au cœur des discussions du XXe siècle. Paru en 1937, quelques années avant l’éclosion de la Seconde Guerre mondiale, ce film a été accueilli comme une œuvre cinématographique exceptionnelle, mais interdite sous la propagande nazie. L’oeuvre était projetée dans le cadre des Rendez-vous du Cinéma historique le 20 janvier à la Cinémathèque québécoise.

Le Cinéma historique, une tradition qui a revu le jour grâce à l’initiative du professeur de l’UQAM spécialisé en histoire de l’Europe moderne, Pascal Bastien, est à la fois une rétrospective de la représentation du passé, mais aussi du VIIe art comme processus d’écriture historique.

L’ironie de l’illusion

Le professeur de l’UQAM spécialisé en histoire de l’Europe contemporaine qui animait la séance de présentation, Andrew Barros, proposait une grille d’analyse. «Ce film permet non seulement de percevoir la vision de la guerre en fonction de l’époque où elle est présentée, mais aussi l’incidence qu’elle a aujourd’hui», explique-t-il.

La Grande guerre, thème souverain de l’œuvre, n’est cependant jamais illustrée. «Son absence permet de la décrire avec encore plus d’impact que si elle avait été représentée par des scènes violentes», affirme l’historien. Seule la prise de Douamont permet à l’auditeur de se situer dans le temps.

«Avec la montée de l’antisémitisme et la peur d’une nouvelle guerre, Renoir a utilisé l’ironie pour exprimer ses inquiétudes», commente-t-il. Ce sont par des phrases clefs telles que «Qu’est-ce qui est juste dans la guerre?» et «Une frontière ça ne se voit pas, c’est une invention des hommes, la nature s’en fout», que Renoir, dans un contexte politique où la montée du pouvoir d’Hitler est en pleine avancée, a pu secouer son public. «Le cinéma, quand il est bien fait, tout comme pour l’histoire quand elle est bien écrite, a un objectif particulier: susciter la critique», souligne Pascal Bastien.

Le VIIe art sous la loupe

Ce film suscite des réflexions qui sont toujours au cœur des débats aujourd’hui. «L’illusion est partout. Elle est présente dans le niveau patriotique du film, par la confrérie entre classes sociales, et par l’idée que la guerre ne reviendra pas», ajoute Andrew Barros.

Cette œuvre, qui a traversé les décennies, est encore au diapason de la situation actuelle. «L’idée est à la fois de divertir, mais qu’on en ressorte avec une réflexion et avec l’impossibilité d’oublier ce que l’on a vu. Parce que cela nous ébranle, non pas à travers simplement le passé qu’on se soulage qu’il soit passé, mais à travers ce qu’il nous enseigne des tragédies et des enjeux qui sont les nôtres aujourd’hui», souligne Pascal Bastien. Le Cinéma historique permet aux cinéphiles et aux amateurs d’histoire de concilier deux passions qui vont de pair.

Une troisième projection aura lieu le 17 février prochain, celle de Rashomon (1951) d’Akira Kurosawa, une œuvre qui a permis au public occidental de découvrir le cinéma japonais.

Photo : La Grande Illusion Studiocanal

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