Divertir pour éduquer

Les effets bénéfiques des jeux vidéo éducatifs sur le développement de compétences chez les jeunes sont notables, c’est pourquoi quelques compagnies se dédient à leur conception. Pourtant, il reste encore beaucoup de chemin à faire afin de les intégrer réellement dans les milieux scolaires.

Afin de rendre l’apprentissage des enfants plus dynamique, personnalisé et diversifié, plusieurs studios développent des jeux alliant apprentissage et divertissement qui s’adressent aux jeunes de niveaux primaire et secondaire. Ces deux aspects doivent s’épouser parfaitement afin de faire un jeu réussi. «Le compromis que ces concepteurs doivent faire est de donner l’impression aux enfants qu’ils jouent. Ils ne savent pas forcément qu’ils sont en train d’apprendre, car ils obéissent à une logique de jeu et manipulent des choses pertinentes», explique le professeur au Département de didactique de l’UQAM, Martin Riopel.

La manière dont la matière sera communiquée représente un défi auquel doivent se confronter les créateurs de jeux vidéo éducatifs. «Il ne s’agit pas toujours de sujets intéressants ou drôles, donc il faut arriver à y amener un aspect plus ludique», affirme la directrice de production chez CREO, Lise Sicard. L’approche moins théorique et plus participative contribue au succès de ce genre de jeu. «Quand tu le vis, tu l’apprends mieux et le jeu est fait pour ça», déclare-t-elle.

Un parcours laborieux

Selon Lise Sicard, les connaissances en informatique ne sont pas transmises lors de la formation des enseignants. «Comment pourrait-il être possible pour eux d’utiliser les nouvelles technologies?», s’exclame-t-elle. La directrice de production avoue toutefois que cela commence à prendre plus d’ampleur qu’il y a quelques années.

Les concepteurs ont aussi certaines lacunes dans leurs connaissances. «Les gens qui s’intéressent à l’aspect éducatif ne sont pas les mêmes qui travaillent à concevoir les jeux vidéo populaires, mais plusieurs compagnies essaient de faire la jonction entre les deux» note Martin Riopel, qui s’implique auprès de compagnies telles qu’Ululab et CREO qui se spécialisent dans ce genre de jeux.

Pour faire un bon jeu, il faut la collaboration de pédagogues dans le développement de la matière à intégrer, mais aussi des connaissances en informatique. «Certains professeurs peuvent expérimenter et développer des compétences dans ce domaine, remarque la professeure en communication sociale de l’UQAM, Maude Bonenfant. Dans d’autres cas, des professeurs se lient avec certains studios, ou ont une entente avec un développeur.»

Elle note qu’il reste toutefois possible pour certains spécialistes de l’éducation de développer eux-mêmes leur projet. «Rien ne les empêche de développer un jeu. Surtout pour les plus jeunes professeurs qui sont nés là-dedans et sont habitués à être dans ce genre de mode de représentation», fait-elle observer.

Selon elle, les technologies d’aujourd’hui sont assez développées pour aider la création et ne nécessitent pas une formation en programmation pour être utilisées. «Certaines plateformes offrent même des solutions assez poussées pour ajouter le matériel, cela peut être relativement facile», propose Maude Bonenfant.

Développer lentement mais sûrement

«Les jeux vidéos éducatifs sont le parent pauvre de l’industrie. Alors que les jeux de stratégies représentent le plus grand marché, y inclure une perspective éducative dans un contexte scolaire avec les coupes budgétaires est une grosse mission, car il n’y a pas de place pour ça en ce moment», mentionne le directeur de Archiv’ART, René St-Pierre, qui ajoute qu’il faut des enseignants qui veulent bien les utiliser pour réellement leur donner une valeur.

Cette nouvelle technologie reste encore sous-estimée et les créateurs de ce type de jeu doivent démontrer qu’il peut y avoir un intérêt pour ce produit. Cependant, ce qui rapporte le plus sont les jeux de loisir, déplore Lise Sicard. «On peut comparer cela aux cinéastes qui font des documentaires versus ceux qui font des grands succès au box office avec des comédies légères, dit-elle. Le divertissement a beaucoup plus la cote.»

Lise Sicard reste optimiste quant au but de voir les jeux occuper plus de place en classe. «C’est quelque chose qui avance doucement, mais qui est en marche. Il faut être passionné et il faut y croire», termine-t-elle.

Photo :  Sean Dreilinger via Flickr

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