Éduquer sans être formé

Des finissants aux baccalauréats en enseignement de l’UQAM se demandent s’ils sont assez outillés pour répondre aux nouvelles exigences du gouvernement du Québec, qui s’est donné comme mandat de réinstaurer les cours d’éducation sexuelle dans le cursus scolaire primaire et secondaire dès 2017. Un projet pilote de deux ans a été lancé en septembre dans une quinzaine d’établissements, et ce, même si la majorité des enseignants ne sont pas formés pour aborder de tels sujets lors de leur parcours universitaire.

Une étudiante au baccalauréat en enseignement au secondaire en science et technologie soutient que la réinsertion des cours d’éducation sexuelle est une très bonne initiative, mais que «c’est juste mal fait». Elle croit que ces cours spécialisés devraient être donnés par des professionnels du milieu comme une psychologue, une sexologue ou une travailleuse sociale. Avec seulement un cours de ce type à son cheminement scolaire, l’étudiante se questionne : «Si moi, je dois donner des cours de sexualité et que je ne suis pas au courant des derniers développements sur la contraception, sur les ITS et sur les aspects psychologiques et sociologiques, suis-je vraiment apte? J’ai de l’expérience, mais cela ne veut pas dire qu’elle est suffisante pour donner un cours à ce sujet.»

Un manque de formation

À l’UQAM, seulement deux baccalauréats en enseignement sur sept, incluant le baccalauréat en adaptation scolaire, offrent des cours susceptibles d’aider le futur professionnel à enseigner la sexualité aux élèves. Comme dans le programme d’enseignement de l’éthique et culture religieuse, il ne s’agit que d’un cours optionnel. «Dans les baccalauréats en enseignement, ce ne sont pas toutes les universités qui offrent des cours optionnels en éducation sexuelle», ajoute la vice-présidente à la vie professionnelle de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) Nathalie Morel.

Si ces cours n’apparaissent pas dans les choix disponibles, les étudiants peuvent les suivre hors cursus. «On a toujours une grille horaire qui nous est assignée en début de cohorte et dans la mienne le cours sur l’éducation sexuelle n’est pas offert. J’ignorais même l’existence de ce genre de cours», déplore une étudiante en français langue première, Catherine Cabrera Valente.

Suppléante à l’école secondaire Jeanne-Mance de Montréal et étudiante au baccalauréat en adaptation scolaire à l’UQAM, Ariane Phaneuf se considère privilégiée d’avoir une sexologue à temps plein à l’école. «Elle s’occupe de faire des ateliers. C’est quand même vraiment rare. On est chanceux que ce service n’ait pas encore été touché par les coupes.» Ariane Phaneuf se dit capable de parler ouvertement de sexualité, mais explique que ce ne sont pas tous les professeurs qui se sentent à l’aise. Elle voudrait que les futurs enseignants soient plus outillés pour ce nouveau projet.

Formations dispensées dans les commissions scolaires

Ariane Phaneuf explique toutefois que le rôle d’enseignant s’appuie sur une formation continue. «Il y a plusieurs formations que l’on peut prendre pendant l’année scolaire. Il est possible d’être libéré pour les suivre», souligne-t-elle. Nathalie Morel précise que ce sont des agents multiplicateurs, des personnes formées pour préparer et animer des formations pour des professionnels, qui viendront dans les commissions scolaires pour aider les enseignants à parler de sexualité.

La FAE propose plutôt d’attendre qu’une nouvelle cohorte de maîtres aptes à donner ces cours gradue des bancs universitaires. Nathalie Morel rappelle que ce ne sont pas des cours de sexualité que propose le projet pilote, mais plutôt l’insertion des notions d’éducation à la sexualité aux cours qui sont déjà dispensés pas les enseignants. «Ce sont des apprentissages que le ministère veut imposer tant aux élèves qu’aux enseignants à l’intérieur du curriculum actuel», précise Nathalie Morel. Elle suggère donc l’inclusion de cours d’éducation à la sexualité dans le cursus universitaire pour répondre aux besoins du nouveau programme du gouvernement qui sera instauré dans les écoles primaires et secondaires. Selon la Fédération, en quatre ans, le gouvernement et les enseignants auraient plus de temps pour se préparer et élaborer un programme efficace. «Les parents sont en droit de penser que lorsque leur enfant reçoit des apprentissages, c’est parce que le professionnel a reçu une formation préalable», soutient-elle.

Comme les étudiantes, Nathalie Morel se réjouit du retour de l’éducation sexuelle, mais remet en doute la façon dont cela s’instaure dans les écoles. Selon elle, les différentes instances du corps professoral sont réunies à la table de discussion avec le ministère depuis seulement un an et le programme n’est pas au point. «Ce sont des choses beaucoup trop sérieuses pour lancer ça comme ça sur le coin d’une table», conclut-elle.

Crédit photo : Imageglobe

 

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