Alerte au masque

Les politiciens, les policiers, les médias: tout le monde se l’arrache. Hormis son sweat-shirt noir, sa cagoule et son Maalox, il pourrait passer pour n’importe quel citoyen en pleine tempête de neige. Il effraie davantage qu’un homme armé. Il alimente l’imaginaire. Impossible de l’ignorer. Souvent honni, peu considéré et parfois admiré, l’étudiant masqué cristallise une large gamme d’émotions.

Tenu responsable du climat politique acerbe des dernières semaines et du saccage à l’intérieur du pavillon J.-A.-DeSève, l’étudiant masqué a le dos large. L’université a d’ailleurs investi des montants considérables afin de démocratiser le port du masque. Avec l’installation de caméras de surveillance, depuis le printemps érable, l’UQAM s’est bien assurée de pouvoir repérer, peu importe l’angle, chaque étudiant qui oserait défier la lamentable gestion du campus.

Dans la plus récente mouture de sa Politique encadrant le système de surveillance vidéo, «le Service de la prévention et de la sécurité peut permettre le visionnement en temps réel par les institutions chargées du respect de la loi, tels que le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ou le Service de sécurité incendie de Montréal» lors d’une «urgence où l’intégrité physique des personnes ou la sécurité des lieux est menacée». Un amalgame de termes vagues, à l’interprétation libre, pour dire que les images d’une occupation filmée du pavillon J.-A.-DeSève seraient susceptibles d’être fournies aux policiers.

Pour avoir été fiché, dirigé vers le SPVM et avoir reçu des amendes pour sa seule participation à une action du peuple, par le peuple et pour le peuple, l’étudiant masqué prend la meilleure des décisions pour lui et pour la collectivité en choisissant le port du chiffon opaque.

Souvent confondu avec le black block, dont l’existence fluctue au gré des manifestations et la composition demeure inconnue, l’étudiant masqué n’aurait pas à l’être si l’UQAM ne choisissait pas systématiquement de discriminer les vecteurs de changement dans l’université. Avant l’adoption du règlement P-6 en 2012, porter un masque faisait partie des droits citoyens admis, acceptés et reconnus. Il faut être plutôt courageux pour braver les risques d’expulsion, de répression politique et les dénoncer.

À la vitesse et la force avec lesquelles les dissidents sont réprimés, ils pourraient compter dans leurs rangs des professeurs et des chargés de cours. Critiqués pour leur intervention, Sandrine Ricci, Marcos Ancelovici ou Michèle Nevert devront peut-être manifester une cagoule sur le visage sans quoi ils risqueraient de se faire évincer de l’université, un lieu où la liberté d’expression est pourtant l’une des plus sacralisées.

Nous sommes de votre côté.

Frédéric Comeau

Chef de pupitre UQAM

uqammontrealcampus@gmail.com

Twitter : @ComeauFred

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