Du décapant

Avec Le repaire des solitudes, le jeune nouvelliste de 36 ans Danny Émond nous offre une place aux premières loges de la déchéance de ses personnages marginaux, un aller simple vers le déclin de notre civilisation.

C’est au travers de 29 nouvelles «coup de poing» que ce poète de formation tente d’ébranler le lecteur, de décaper le moderne en nous. Ces nouvelles passent super rapidement – certaines ne durent même pas deux pages – mais ce grand rythme lui permet d’installer ses univers en quelques phrases, sans préavis. Il est donc impossible au lecteur d’échapper à la tension, à l’angoisse de vivre qui traverse et déchire les personnages.

S’inspirant ouvertement de Houellebecq, les sujets le sont en violence et en style. La jeunesse désabusée, le travail précaire, la pauvreté, la violence, la drogue et surtout le désespoir, l’auteur s’offre ces sujets noirs successivement, avec un rythme que les nouvelles augmentent, voire rendent saccadé.

«Et tu remues les mauvais souvenirs et les idées noires, sans parvenir à faire pousser des fleurs dans cette merde». On le voit pourtant tout souriant sur sa couverture, claviériste dans un band métal, l’auteur est conscient de son pessimisme, mais l’appréhende avec légèreté. «C’est important pour moi, l’humour et la distance fasse à ce qui se passe dans mes histoires» explique-t-il. Ils sont pourtant là ces pauvres personnages, ces marginaux atomisés dans leur propre vide. «La peur de rester seul pour toujours avec cet inconnu que j’aperçois chaque matin dans le miroir». L’angoisse et la mort traversent les nouvelles telles des bruits de fonds que la condition humaine ne peut supplanter.

Au final très lourd, ce recueil sera célébré par les lecteurs de Houellebecq ou Schopenhauer, mais très mal digéré par les non-initiés à l’école du désespoir. Danny Émond reste maître dans l’art de surfer sur la mince ligne entre la grâce et le dégoût, au lecteur de se rappeler que cela reste de la fiction, ou de l’autofriction comme le dit si bien l’auteur.

3.5/5

Le repaire des solitudes, Danny Émond, Boréal, 2015, 155 pages.

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