Tais-toi

Malaise. Je n’ai été envahi que de malaise à la vue des autocollants rappelant les grandes lignes de la politique 16 de l’UQAM, «Harcèlement, attouchements, voyeurisme, agressions: tolérance zéro!» J’avoue, ce geste envers trois professeurs de la Faculté des sciences humaines m’a complètement dépassé. Oublions la question du partage sur les médias sociaux. Derrière ce faux débat, on oublie le cœur du problème. Y a-t-il vraiment eu harcèlement? Qu’est-ce qui pouvait motiver un comportement si fort de sens? Pourquoi le Syndicat des professeurs n’a-t-il pas dit mot ou presque depuis cette fronde contre trois de ses membres?

Sans détour, ces autocollants se sont attaqués aux fondements mêmes des systèmes de justice québécois et canadien. Réaction incontrôlée ou symptôme d’une faille majeure dans les universités? La méthode n’a pas plu. Tous les chroniqueurs se sont empressés de cracher sur le geste. Du doute, du doute et encore du doute, parce qu’on le sait, le Bureau d’intervention et de prévention en matière de harcèlement déborde. Dominique Jarvis déborde. Et si par manque de ressources, des plaintes des uqamien-ne-s qui ont apposé ces autocollants étaient tombées dans la pile des oublié-e-s ? Et si tous les moyens avaient été évalués avant de changer la couleur des portes de ces professeurs? Et si les professeurs jouissaient d’impunité? Pour l’instant, je n’en sais rien. Mal de tête. Autant la réaction me semble démesurée, autant je ne peux m’empêcher de la penser justifiée en ultime recours. Dans 99 % des cas, je pense que ces comportements ont été trop loin, mais le point de pourcentage restant me laisse croire qu’il avait un fondement, une volonté d’éclater les tabous et une symbolique de la désobéissance civile.

Sans pouvoir vraiment répondre à mes propres questions, ce geste d’éclat n’aura attiré sur lui que de nombreux échecs. Ce qu’on en retient c’est que le message n’a pas passé. Les «présumés agresseurs» ont obtenu le rôle des victimes. Imaginez s’il en ressort des accusations criminelles. Nous aurons accepté comme société de crier haut et fort pendant plus d’un mois: «le harcèlement, ça ne passe pas» pour laisser place dans les derniers jours à «le harcèlement ça ne passe pas sauf pour les victimes qui se montrent trop agressives». Les subtilités sont de loin plus nuancées, mais je ne peux m’empêcher de penser que depuis le début, on n’a pas osé se poser les bonnes questions. La réputation devrait-elle supplanter l’intégrité physique? J’ai un examen de conscience à faire, vous aussi.

 

Frédéric Comeau
Chef de pupitre UQAM

uqammontrealcampus@gmail.com

Twitter: @ComeauFred

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