Il y a trop d’hommages

Quand Jacques Brel est décédé, ma mère avait 14 ans. Elle a pleuré sa mort en regardant son hommage posthume à la télévision. Pour moi, Jacques Brel a toujours existé à travers ma mère. Mes souvenirs ont des résonnances d’accordéons rances et les sermons de mon père se confondent avec les paroles de Brel chantées à tue-tête depuis le salon. Il n’est donc pas surprenant qu’aujourd’hui je connaisse toutes ses chansons par cœur et que je défende Brel comme un vieil ami.

À la fin octobre est sorti l’album Ne me quittes pas: Hommage à Jacques Brel pour faire suite au spectacle du même nom. C’est Luc De Larochellière qui a orchestré le spectacle et l’album rassemblant 11 artistes: Marc Hervieux, Isabelle Boulay, Paul Piché, Diane Tell, Marie-Élaine Thibert, Luc De Larochellière, Pierre Flynn, Bruno Pelletier, Bïa, Catherine Major et Danielle Oddera.

Le spectacle hommage avait d’abord été présenté au festival Montréal en Lumière en 2012 puis,pour le 35e anniversaire du décès de Jacques Brel,aux Francofolies de Montréal en 2013. La popularité du spectacle a permis aux artistes de le présenter à travers le Québec. Une tournée qui roule encore aujourd’hui. Il est évident que la demande du public prouve que Brel a encore sa place sur la scène musicale contemporaine.

Un spectacle oui, un album peut-être pas. On retrouvait dans le spectacle, présenté en 2013, la ferveur et la théâtralité de l’interprétation de Jacques Brel. Les artistes s’étaient réapproprié les œuvres en leur donnant une autre tournure ou simplement en l’interprétant différemment. Un spectacle à voir si l’on veut passer une soirée pleine d’émotion et être touché par la parole et les mots. Un spectacle pertinent dans la mesure où il est désormais impossible de voir en vrai Brel sur scène.

Mais un album hommage?

Certains diront que c’est une façon de faire connaître Jacques Brel en passant par des artistes d’ici que le public connaît. Une façon de le remercier pour son apport à la culture musicale. Une façon pour qu’il reste encore longtemps dans cette culture.

L’album se veut simple, proche de l’œuvre de Brel pour lui rendre justice. L’album en tant que tel n’est pas mal rendu.Seulement, après plusieurs écoutes, un sentiment de manque persiste. Les interprétations trop collées à celle de Brel font réfléchir sur la pertinence d’un tel album. Pourquoi ne pas écouter les versions originales bien meilleures au lieu de se contenter d’interprétations de second plan?

Les artistes ont misé sur la simplicité d’un album piano-voix. Le piano, peut-être justement trop simple, trop clair et trop léger, enlève toute la profondeur des textes de Brel. Mathildeinterprétée par Paul Piché et Dans le port d’Amsterdam de Bïa touche tout de même par leur son grave et l’émotion contenuedans ces chansons. Les chansons Ne me quittes pas d’Isabelle Boulay et La Quête par Marc Hervieux sont bien interprétées aussi, mais comme n’importe quels chanteurs ou chanteuses pourraient le faire. Jacques Brel est inimitable.

Le plat pays, la Belgique, a vu naître Jacques Brel en 1929 et mourir, trop tôt, 49 ans plus tard. Brel détestait la scène et avait un trac terrible avant d’y monter. Ça n’a jamais paru.

Ce n’est pas le premier album hommage de l’histoire, évidemment. Hommage à Joe Dassin, à Michel Louvain, à bien d’autres encore. Pour tous les albums hommages, la question reste la même. Le meilleur hommage que nous pouvons faire aux artistes, c’est de continuer à les écouter eux. Et pour Brel continuer à le regarder danser et sourire puis à l’écouter chanter et puis rire, pour qu’il ne nous quitte pas.

 

Artistes variés. Ne me quitte pas: Hommage à Jacques Brel. Spectra. 2014. 40min34.

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