Duvaliérisme culturel

«Sur ma promotion de vingt-deux médecins, dix-neuf vivent en terre étrangère. Moi, je reste, en dépit des offres qui m’ont été et me sont faites. Dans bien des pays bien plus agréables que celui-ci, dans bien des pays où je serais plus estimé et honoré que je ne le suis en Haïti, il me serait fait un pont d’or, si je consentais à y résider. Je reste néanmoins.» Beaucoup d’Haïtiens n’ont toutefois pas eu la même réflexion que l’écrivain Jacques Stéphen Alexis exposait dans cette lettre de 1960 destinée à François Duvalier. Les dictatures de Papa Doc et de son fils successeur décédé le 4 octobre dernier, Jean-Claude Duvalier, ont poussé à l’exil près de deux millions d’Haïtiens.

La mort de Bébé Doc samedi dernier a évidemment suscité des réactions au sein de la communauté haïtienne émigrée. Une grande partie de celle-ci a le sentiment que justice n’a pas été faite et une autre croit que c’est le moment de tourner la page sur une époque sombre d’Haïti. Une chose est certaine, même si les Duvalier n’auront jamais été jugés pour leurs crimes contre l’humanité, leurs régimes autoritaires auront eut un impact considérable sur la culture nord-américaine.

Les trois villes les plus importantes en terme d’immigration haïtienne en Amérique du Nord sont New York, Miami et Montréal. Plusieurs acteurs culturels majeurs de ces cités sont notamment issus de cet exil. Le père du peintre prodige Jean-Michel Basquiat était un Haïtien qui s’était installé à New York par exemple. Certains rappeurs célèbres proviennent aussi de la diaspora. On peut penser à Jay Z et au groupe The Fugees, qui compte parmi ses membres Wyclef Jean, qui a notamment tenté d’être candidat à la présidence haïtienne en 2010 (avant que sa candidature ne soit refusée).

Plus près de nous, Régine Chassagne, d’Arcade Fire est d’une famille haïtienne bien qu’elle ait grandi à Saint-Lambert. Sans oublier Dany Lafèrrière, qui en plus d’être le favori de Jean Charest, est le premier écrivain québécois, afro-caribéen et nord-américain à être élu à l’illustre Académie française.

Ces artistes ont quelque chose en commun: ils ont tous soufflé un vent de fraîcheur dans leur domaine d’art respectif. Comme quoi les immigrés haïtiens se sont culturellement fondus dans leurs nouveaux milieux de vie. Les Tontons Macoutes auront étrangement eu quelques retombées «positives». En espérant que tous ces artistes présenteront leurs œuvres aux Duvalier lorsqu’ils arriveront au pays sans chapeau.

 

Colin Côté-Paulette

Chef de pupitre culture

culturemontrealcampus@gmail.com

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