À l’âge d’être grand-père

La cinquantaine passée, les cheveux grisonnant et des rides au coin des yeux, les hommes font le choix de devenir père à un âge de plus en plus avancé. Une tendance qui soulève  plusieurs questions d’éthique et de santé.  

Souhaitant s’établir dans leur profession et s’épanouir en tant qu’adulte, les couples repoussent le moment de fonder une famille.  Rattrapées par le temps, les femmes d’un certain âge sont plus enclines à connaître des difficultés à concevoir et peuvent mettre en danger leur vie et celle de leur nourrisson. Selon le professeur au département d’obstétrique et de gynécologie de l’Université McGill, Bernard Robaire, il a fallu attendre que les études se multiplient pour que  la société commence à reconsidérer la part de «responsabilité» des hommes dans les problèmes psychiatriques que peut développer l’enfant.

À 60 ans, Guy Corneau est devenu père pour la première fois sans mesurer les risques que pouvait encourir son fils. «Je n’avais pas prévu ça, mais la mère de l’enfant voulait absolument le garder, je ne m’y suis pas opposé, confie-t-il. Nous avons fait les tests habituels et tout allait bien pour Nicolas.» Aux yeux du psychiatre, il aurait été difficile pour lui d’élever un enfant une trentaine d’années plus tôt, alors qu’il finissait tout juste ses études. «Je voulais gagner ma vie, j’avais beaucoup d’ambition professionnelle et je voyageais souvent en Europe pour mon travail, témoigne-t-il. Je me serais senti tiraillé entre mon enfant et mon travail.»

Le cas de Guy Corneau est loin d’être unique. Depuis des décennies l’âge du père au moment de la naissance du premier enfant, n’a fait qu’augmenter dans les pays occidentaux. Selon Statistique Canada, l’âge de l’entrée dans la paternité était de 27,8 ans en 1995, contre 29,1 ans en 2006. Le nombre de pères dans la cinquantaine a, quant à lui, augmenté de près de 5% en l’espace de 10 ans.

Le sexagénaire ne regrette en rien cette paternité tardive. «Je peux marcher au pas de l’enfance et ne pas obliger mon enfant à vivre à mon rythme effréné d’adulte», pense-t-il. Considérant que sa carrière se trouve maintenant derrière lui, il peut accorder  plus d’attention à son fils Nicolas et construire son horaire en fonction de celui-ci. «Je lui donne autant d’amour qu’un homme plus jeune, et c’est même mieux qu’un père impulsif trop concentré sur sa carrière», croit-il. Il avoue toutefois que la vigueur de ses jeunes années lui manque quelque peu. «J’ai pourtant toujours trouvé que j’avais plus d’énergie que les hommes de mon âge, mais un enfant, ça en demande vraiment beaucoup, confie-t-il. En fin de journée, je tire de la patte et j’ai simplement hâte d’aller me coucher.»

Un choix risqué

Selon une étude américano-suédoise, publiée en février dernier aux États-Unis, il existerait un lien étroit entre l’âge avancé du père au moment de la procréation et plusieurs pathologies psychiatriques dont le déficit d’attention, l’autisme, le trouble bipolaire, la schizophrénie et bien d’autres. «On a toujours pensé que l’homme pouvait faire des enfants toute sa vie en raison de sa production continuelle de spermatozoïdes, soit près de 100 millions par jour, mais on a mis du temps à interroger la qualité de ces derniers», déplore le professeur Bernard Robaire. Il explique que toutes les cellules du corps humain vieillissent, même les spermatozoïdes. «Avec le temps, leur qualité change et le nombre d’anomalies augmente», précise-t-il. Il rappelle que les scientifiques ont des soupçons à cet égard depuis plusieurs années.  D’après lui, cette nouvelle étude n’a fait que démontrer des liens spécifiques bien plus marqués que les précédents travaux sur le sujet.

«L’idée selon laquelle l’homme pourrait être également en cause n’est toujours pas acceptée de façon systématique, soutient-il. On n’en parle pas dans les enseignements pour devenir médecin par exemple.» À ses yeux, les cliniques de procréation assistée devraient annoncer aux parents que l’âge du père peut entraver la réussite, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle. Certaines cliniques montréalaises, telle que la clinique de procréation assistée du CHUM, refusent les femmes de plus de 51 ans voulant un enfant, mais aucune limitation n’est imposée au père.

Ce problème ne devrait pas inquiéter les couples âgés pour autant, selon le professeur. «La capacité de faire des tests génétiques n’a jamais été aussi élevée dans l’histoire, soutient-il. Ce sera toujours possible pour les couples, même dans un âge avancé, de faire des enfants, tant que des tests seront faits tout au long de la grossesse pour détecter le moindre problème.»

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