Terreur de porcelaine

Jouets innocents pour certains, promesses de cauchemars et d’angoisses pour d’autres, les poupées provoquent des réactions d’épouvante démesurées pour ceux qui en sont apeurés.

Gabrielle Gendron n’a jamais été une gamine comme les autres. Alors que ses amies en faisaient un de leurs jouets préférés, elle, détestait les poupées. La jeune femme angoisse en présence de figurines de porcelaines depuis l’âge de cinq ans. Jugée irrationnelle par son entourage, sa peur la force à garder l’œil ouvert, prête à détecter les lieux qui recèlent de poupées et de pantins. Une peur aux apparences loufoques, mais prise au sérieux par ceux atteint de pédiophobie.

«Ma sœur avait une poupée qui me faisait terriblement peur, se remémore Gabrielle Gendron. Ça s’est empiré quand ma grand-mère en a installé une géante dans ma chambre.» La phobie s’est déclenchée à la suite de ces évènements déroutants. Subir un traumatisme ou côtoyer un pédiophobe peuvent être à l’origine de cette frayeur envers les figurines de tout acabit.

La jeune femme affirme toutefois être parvenue à maîtriser sa peur des poupées. «Avant, je ne pouvais pas en regarder une plus de cinq secondes, affirme-t-elle. Je peux mieux les tolérer aujourd’hui.» Malgré un plus grand contrôle sur sa phobie, l’étudiante reste fragile sur cette question. Sa phobie bien particulière n’est pas toujours de la même intensité. L’épouvante atteint son paroxysme une fois la nuit tombée. «Si j’allais voir une exposition de poupées le jour, ma réaction ne serait pas si pire, mais aller la regarder le soir, je ferais une crise d’angoisse», précise-t-elle.

L’étudiant Matthieu Lellig est lui aussi incapable de sentir le regard de poupées de porcelaines. Il doit dévier la tête de chacune d’entre-elle. «Je me sens très mal à l’aise en leur présence, avoue le jeune de 18 ans. Je serais incapable de dormir dans une pièce avec des poupées de porcelaine.»

Comme toute autre phobie, il est très difficile de se débarrasser de la pédiophobie, selon le psychologue Henry Lavigueur. Cette crainte peut se contrôler, mais la peur des poupées menace de ressurgir à tout moment. «Une personne en période de réussite aura beaucoup moins peur qu’un individu en moment d’impuissance et d’échec», nuance-t-il.

Les films, les livres et les légendes donnent vie à l’épouvante des poupées pour les pédiophobes. Chucky, la fameuse poupée maniaque, pourrait être un déclencheur pour une personne effrayée par les poupées. «Une personne influençable est à risque d’envenimer sa pédiophobie. Les éléments culturels tendent à confirmer cette peur», confirme Henry Lavigueur.

Pour se sortir de l’angoisse, les solutions sont multiples. Phobies-Zéro organise des groupes de soutien et d’entraide pour les phobiques. Selon le psychologue Henry Lavigueur, ce type de discussion commune améliore le rapport des personnes avec leur phobie. «Plus on s’affirme envers sa peur des figurines de porcelaine, moins elle sera présente, soutient-il. Il ne faut pas aller trop vite, parce que ça peut avoir l’effet contraire, soit aggraver l’anxiété générée par les poupées.» La technique privilégiée pour calmer cette peur est la désensibilisation progressive. Cette technique expose les pédiophobes aux pantins une étape à la fois. Sans contact d’abord, ils seront amenés à la fin du traitement à pouvoir toucher leur corps de porcelaine. La médication peut aussi aider certaines personnes à se sortir de cette hantise.

À un fil du réel

La chevelure des poupées de l’époque victorienne effraie particulièrement Gabrielle Gendron. Souvent tissée de cheveux humains, la crinière de ces fillettes de porcelaine angoisse la jeune femme. Les perruques de poupées provenaient de dons de coiffeurs, et parfois des chimiothérapies. «Aujourd’hui, même si leur utilisation est limitée, des poupées sont encore conçues de vrais cheveux», soutient l’artiste de poupées, Eva Arsenault.

Gabrielle Gendron n’a jamais suivi de thérapie pour se défaire de sa phobie des poupées de porcelaines. La jeune femme a décidé d’éviter tous les lieux qui en renferment. Un mal pour un bien…

Crédit photo : FortyTwo – Flickr

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