Dans la vie, il faut apprendre à boire

Avez-vous levé votre regard vers le ciel récemment? Sortez vos parapluies, il pleut des millions sur nos têtes. Un déversement massif de billets verts dans le domaine des jeux vidéos, une refonte incontournable de l’accès à l’aide juridique, des emplois qui poussent comme par magie un peu partout au Québec. De jolis confettis lancés en l’air avant le début de la fête. Le Parti québécois est prêt pour le party.

C’est probablement l’un des secrets les moins bien gardés ces jours-ci. Ça sent les élections à plein nez dans la province. Malgré une année plutôt agitée, les élus du gouvernement péquiste seraient de nouveau prêts à se jeter dans la gueule du loup. Si j’étais à leur place, le lendemain de veille politique me ferait réfléchir à deux fois avant de me lancer. Recroquevillé près de la toilette, je me garderais une petite gêne en me demandant si ça vaut vraiment la peine de recommencer aussi rapidement. Il est parfois préférable de faire du surplace, prendre le temps de dégriser, plutôt que d’avancer en titubant.

Pensez-y un peu. Les derniers mois du gouvernement Marois se comparent à une triste beuverie cégépienne. Comme s’il n’y avait pas de lendemain, nos élus ont bu bien vite en début soirée : fermeture de Gentilly-2, iglou, «annulation» de la hausse des frais de scolarité, iglou, iglou, «abolition» de la taxe santé, iglou, iglou, iglou. Il semblerait que la contagion YOLO n’ait épargné personne.

Certaines beuveries se terminent sans trop de dégâts. On danse, on s’frotte, tout le monde est content, même pas besoin d’Advil le matin venu. Et d’autres fois, on perd le contrôle. On prononce des mots qu’on aurait préféré ne pas prononcer, on fait des choix irréfléchis, on se lance dans des conversations qu’on n’aurait pas dû entamer. Les jours suivants… on regrette, on recule et on a une sacrée migraine.

En cours de mandat, il semble que le gouvernement ait ingurgité LA shot de trop. Probablement de la tequila. C’est toujours la faute de la tequila. La taxe santé n’a pas vraiment disparu, les frais de scolarité ont été indexés, certains services sociaux ont été coupés et les politiques budgétaires en ont fait frémir plus d’un.

Comme la tradition l’ordonne, ce n’était bien évidemment pas la faute de nos chers députés. Mettre ses ratés sur le dos de son statut minoritaire ça n’a rien de bien nouveau. C’est facile et efficace même. Aucun doute, cette ombre électorale est apparue pour sacrer dehors à grands coups de pieds cette plaie qu’est le statut de gouvernement minoritaire. Est-ce la solution idéale afin de soigner notre politique provinciale? Pas vraiment.

Les joueurs de l’arène politique québécoise semblent avoir oublié que la réputation de la province est fondée sur l’ouverture d’esprit de ses citoyens. Pourtant, à l’Assemblée nationale, on ne discute pas, on impose et on s’insulte comme des enfants dans la cour d’école. Un gouvernement minoritaire ça contraint au débat, ça oblige des compromis et ça permet un processus décisionnel plus représentatif de la population. Ça cause de l’instabilité, les décisions se prennent parfois à pas de tortue, mais dans le contexte actuel, sur fond de division sociale, une décision réfléchie, discutée, négociée en est une gagnante. Déclencher des élections sur un sujet aussi controversé que la Charte, c’est loin d’être beau. Je dirais même que c’est lâche. Laissons la chance à la discussion et espérons que nos élus apprennent à piétiner un peu leur orgueil.

Une fenêtre semble ouverte pour un scrutin en décembre. Entre des partys de bureau, les maux de tête de fin de session et ma course aux cadeaux de Noël, je serai tout de même au rendez-vous si on me le demande. Probablement que je prendrai un verre de gin ou deux pour parvenir à ma décision. Je m’excuse à l’avance des conséquences, je n’ai toujours pas appris à boire et semblerait-il que je suis loin d’être le seul.

Louis-Philippe Bourdeau

Chef de pupitre Société

societe.campus@uqam.ca

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