Aladin dans la mafia

Je ne vis pas souvent de grands malaises. Ceux qui nous donnent envie d’aller se lover dans un lit en position fœtus. Je vis très bien avec les conversations étranges, les caricatures blasphématoires et les chroniques d’opinion douteuses.  Même les fois où je mens à ma petite cousine en lui disait qu’elle est super bonne en dessin. J’avais les doigts croisés, tsé.

Mon grand malaise, c’est dans les cinémas, les clubs vidéos et même parfois dans la rue. Je me sens mal de voir ces titres d’œuvres se faire lacérer pour des besoins de traduction. Mon indisposition est dans ces noms qui ne peuvent pas vraiment être modifiés. Au Québec, Trainspotting est devenu Ferrovipathes. FERROVIPATHES. Même écrit et répété une centaine de fois, rien n’y change, c’est laid. Je ne comprends pas comment quelqu’un a pu imaginer ce titre, même en consommant toute la drogue du film.

En fait, mon inconfort est entre deux chaises. Certaines traductions me donnent une grande dose de honte lorsque je commande mon billet au guichet. En même temps, je ne comprends pas la manie des français de garder tous les titres des émissions de télévision dans leur langue originale alors qu’ils sont présentés en français. Est-ce un si gros effort de transformer Lost en Perdus? Ce n’est pas le titre du siècle, on s’entend. Je ne vais pas pour autant monter sur mes grands chevaux quand je vois apparaître Beautés désespérées à un générique. Que dire du changement d’un titre anglais… en anglais. The Hangover est devenu chez nos cousins outre-Atlantique Very bad trip. Lendemain de veille était déjà pris? Dommage.

Dans cette mer de traduction, je ne sais plus où me placer. Autant cela m’horripile, autant c’est nécessaire dans un pays qui se targue d’avoir deux langues officielles. Sans paraître prétentieuse, j’essaie désormais d’aller voir les films en version originale. En français, je m’accroche sans cesse au petit détail. Je fixe les lèvres des acteurs en regardant si les mots correspondent. Eh non. J’écoute les expressions typiquement françaises sortir de la bouche d’un cowboy du Texas. Ça m’accroche. Je fais des liens entre les voix des différents personnages. Tiens, Aladin qui est sur un gros bateau. Aladin qui me parle de mafia. C’est étrange.

Que faire face à cette bombe à retardement? Instaurer des sous-titres partout, comme au Portugal par exemple,  peut devenir un vrai casse-tête. Bonne chance pour la prochaine représentation d’une comédie musicale. J’ai déjà eu droit à une traduction de chaque chanson des Beatles en bas de l’écran. Autant j’adore le groupe, autant chaque sous-titre était une souffrance. Je veux te tenir la main sonne mille fois mieux avec une mélodie rythmée que lu en français. Je n’y peux rien, les sous-titres me déconcentrent. Je suis incapable d’apprécier l’action ou le jeu des acteurs, je lis. Au lieu de lire tout le temps, mieux vaut investir dans des cours d’anglais.

Impossible toutefois de supprimer les traductions. Je pense à mes parents et à tous ceux qui vont aux vues uniquement dans la langue de Molière. Je les comprends. Moi aussi je mets la piste française, parfois. C’est normal de vouloir écouter un film sans se demander ce que signifiait LA phrase clé qui explique tout, parce qu’on ne comprend pas l’accent écossais du personnage principal.

Alors à tous les gros bonnets de l’industrie cinématographique: pitié, faites votre travail. Doublez un film comme si c’était le dernier sur Terre. Traitez chaque pellicule comme une œuvre d’art, même les grasses comédies américaines. Choisissez un titre comme si c’était votre robe de mariée. Avec soin, en se disant que c’est la seule et unique fois que vous allez le porter. Dans tous les cas, il faut laisser une bonne impression.

Marion Bérubé

Chef de section culture

culture.campus@uqam.ca

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