Retards à maîtriser

Les délais dans les évaluations de mémoires ou de thèses sont les prémisses d’une problématique alarmante. Le ratio professeur-étudiant de l’UQAM, dangereusement plus bas que la moyenne fixée par Québec, semble être le nœud du problème. 

Penché sur une thèse d’une centaine de pages, le professeur Pierre Lebuis s’attarde à sa correction jusqu’aux petites heures du matin. À ses côtés, une pile tout aussi imposante l’attend, lui rappelant qu’il n’est pas au bout de ses peines. Les retards dans l’évaluation des mémoires ou des thèses représentent un élément d’insatisfaction tant chez les étudiants que chez les enseignants. Dénoncée depuis longtemps, la pénurie de professeurs serait à l’origine de cette problématique.

Alors que le nombre d’inscriptions ne cesse d’augmenter, l’UQAM accuse un manque récurrent d’embauche d’enseignants depuis les 15 dernières années. Ce problème est généralisé dans l’ensemble des institutions québécoises. «Il y a eu un désinvestissement du gouvernement», rapporte le président de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’universités (FQPPU), Max Roy. Il trouve regrettable que l’administration ait décidé de miser sur le développement de programmes et la création de nouveaux campus plutôt que d’engager des professeurs supplémentaires.

Selon la CREPUQ, les établissements universitaires québécois connaissent pour une troisième année consécutive une hausse du nombre total de leurs inscriptions au trimestre d’automne. Les études supérieures voient une augmentation de 2,6% au 2e cycle et de 2,8% au 3e cycle cette année. L’UQAM ne fait pas exception à la règle. De 2011 à 2013, il y a eu une augmentation de 1,8% au 2e cycle et de 1% au 3e cycle.

Le nombre de professeurs ne suit cependant pas la cadence. En 2012, il y avait un enseignant pour 26 étudiants à l’UQAM. Seulement, la moyenne générale nationale que s’est fixée le Québec est de 1 professeur pour 21,6 étudiants, déplore le 2e vice-président du Syndicat des professeurs et professeures de l’UQAM, Pierre Lebuis.

Le manque de ressources professorales a un impact direct sur les délais d’évaluations de thèses et de mémoires. «Un seul professeur peut diriger dix supervisions à la fois et jusqu’à 20 dans certaines disciplines, observe le président de la FQPPU. C’est quasi impossible de le faire sans décupler les heures de travail.» Le temps investi dépend de la nature du sujet, de la longueur du travail et de la précision des corrections. Entre leurs différentes obligations, les professeurs sont souvent débordés. «Il y a des tâches qui ne sont pas compressibles, donc les évaluations ont tendance à se retrouver en dernier dans la pile de choses à faire», poursuit-il. De plus, chaque dossier est révisé par trois ou quatre enseignants. Le délai d’un évaluateur à un autre freine souvent les procédures.

Du cas par cas

Le dernier rapport de l’ombudsman de l’UQAM, Muriel Binette, met en lumière l’augmentation des consultations au sujet de retards dans l’évaluation d’un mémoire ou d’une thèse. De 2009 à 2012, le bureau de l’ombudsman a reçu 27 plaintes en ce sens. «Chaque dossier est unique et il est donc difficile de déterminer s’il y a là un réel problème ou non», admet-elle. Chose certaine, les étudiants n’osent souvent pas revendiquer leur droit de peur de se mettre à dos leur direction de recherche ou un membre de leur jury. «Ce sont quand même eux qui, au final, donnent les notes», conclut Muriel Binette.

La marchandisation de l’éducation a probablement une incidence sur la patience des étudiants, dénote Pierre Lebuis. «On a tendance à penser que si on paie pour un service, il doit être rendu à temps. Seulement, le savoir, ce n’est pas un bien de consommation, rappelle-t-il. L’évaluation d’une thèse ou d’un mémoire demande un investissement personnel et un incontestable travail intellectuel.» À cet égard, les fiches du service de soutien académique encouragent les étudiants à discuter au préalable des délais de manière officielle avec leur directeur.

Quelle qu’en soit la cause, la frustration causée par les retards est partagée chez les étudiants et chez les professeurs. Pierre Lebuis trouve la situation navrante. À la base, c’est le mandat du monde universitaire de faire avancer la recherche et de partager le savoir, soutient-il. «C’est formateur pour les deux parties et en définitive pour la collectivité.»

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Payants, les étudiants?

Le document Les revenus des universités selon la Conférence des recteurs produit par l’institut IRIS dévoilait que l’UQAM touchait des subventions gouvernementales de 2 426,64 $ par étudiant à la recherche en 2008- 2009. Selon le rapport, les universités ont intérêt à augmenter leurs effectifs d’étudiants de cycles supérieurs. La formule du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport les favorise par des tarifs distincts pour les différents types d’étudiants, qui sont dits «lourds» ou «légers» selon le domaine. Par exemple, un étudiant en lettres rapportera environ 3 500 $ et un étudiant au doctorat en pharmacie rapportera près de 37 700 $.

Par contre, pour le président de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’universités (FQPPU) Max Roy, la hausse du nombre d’étudiants de 2e et de 3e cycle n’est pas une simple question monétaire. Selon lui, il y a avant tout une nécessité de former la relève de demain et de pousser la recherche publique. «Les professeurs ont besoin d’assistance et les collaborations entre étudiants et enseignants sont formatrices», estime-t-il.

Illustration : Geneviève Gareau

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