Wô!

Samedi matin, temps gris. Le ciel semble aussi crevé que moi. J’ai les cheveux en bataille, les yeux rougis, un léger mal de tête. Ma voix est éraillée, mon haleine empeste encore l’alcool et j’ai l’estomac à l’envers. Mon appartement est crotté et ma chambre sens dessus dessous, faute d’y avoir accordé la moindre attention cette semaine. Nul doute, ma – dernière – rentrée à l’UQAM a été bonne cette année.

Voilà quatre ans que je participe aux initiations de la faculté de communication. Quatre ans que je porte le même linge pendant quatre jours, que j’ingurgite une quantité phénoménale de houblon et que je crie «vagin», «pénis» ou «clito» dans les couloirs bruns de mon université. Vous avez le droit de trouver ça immature. Ce l’est. Vous avez le droit de nous trouver bruyants. On l’est. Par contre, si vous trouvez cela sexiste et dégradant, si vous pensez que les inis font la promotion du viol, je dis !

Que des initiés se plaignent et dénoncent des abus de pouvoir, c’est une chose. Que des individus qui observent les activités de loin tirent des conclusions alarmistes et sans fondement, c’en est une autre. Chère observatrice. Bien sur, si je te disais de te mettre à quatre pattes et de faire le tour de la cour intérieure du DS, tu trouverais ça dégradant. Sans doute, si je te demandais de créer une corde à danser avec ta brassière et celles de tes camarades, tu trouverais ça sexiste. Tu en aurais le droit.

Mais dans un contexte d’initiations, crois-moi, c’est différent. C’est l’occasion de virer sur le top, de faire toutes sortes de niaiseries qu’on n’oserait jamais faire en temps normal. Parce que dans un contexte où 400 personnes sont déguisées en super-héros, n’ont pas dormi plus de quatre heures la nuit précédente et crient «pénis» à l’unisson, personne ne juge personne. Tout le monde manque de classe et personne n’est autorisé à franchir un seuil de Q.I. de plus de 70. J’vais te dire bien franchement, ça fait du bien. La vie est déjà assez stressante de même. C’est ça, les initiations en communication à l’UQAM. Je ne pourrais pas imaginer une rentrée différente.

Ça fait quatre ans que je participe à ces festivités. Ça en fait trois que je travaille d’arrache-pied pour faire du journalisme intègre et intelligent. L’un n’empêche pas l’autre. Ceux qui pensent que ces initiations transformeront des étudiants de communication en «journalistes-jambon», vous n’avez définitivement pas assez de fun dans la vie. La semaine dernière, les activités de notre faculté ont fait le tour des médias montréalais, à commencer par le Montréal Campus. Il est du mandat du journal, mon mandat, de rapporter ce qui se produit à l’UQAM. Est-ce que l’ensemble du Québec méritait de savoir qu’on groupe féministe s’offense devant le mot «putes» ? Je ne crois pas.

À l’heure de l’information instantanée, faire du journalisme médiocre, c’est facile. Trop facile. Et moi, je suis mise à l’épreuve dès maintenant. C’est ma dernière année. Je m’en souhaite une bonne, et à vous aussi.

Camille Carpentier
Chef de pupitre UQAM
uqam.campus@uqam.ca
 

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