Appel à l’aide

Anxiété généralisée, bipolarité et dépression touchent de plus en plus d’étudiants universitaires. Les professeurs et chargés de cours, mal formés pour les encadrer, ne peuvent offrir qu’une solution: l’échec.

Aux prises avec des problèmes de santé mentale, des étudiants en difficulté refusent de consulter le Service d’accueil et de soutien aux étudiants en situation de handicap, de peur d’être marginalisés. Faute d’avis contraire, les professeurs n’ont d’autre choix que de les traiter avec le même égard que les autres étudiants. En résultent des prises de bec et des conflits qui mènent parfois à l’échec de l’étudiant. Incompris des professeurs, certains portent plainte afin de dénoncer l’inflexibilité des classes. Trop peu, trop tard.
Dans son rapport pour l’année 2011 – 2012, l’ombudsman de l’UQAM, Murielle Binette, recommande une refonte de la formation du personnel académique et administratif pour assurer la réussite des étudiants. Selon Pierrette*, professeure à la Faculté de communication, les professeurs et chargés de cours manquent d’outils pour encadrer les étudiants aux prises avec des troubles mentaux. «Nous sommes complètement démunis devant des étudiants non-diagnostiqués, s’exaspère la professeure. Je suis mal à l’aise de dire à un étudiant de consulter le Service d’aide pour étudiants en situation de handicap», ajoute-t-elle. En temps normal, les professeurs cherchent du soutien pour adapter leur cours aux uqamiens suivis par ce service de soutient. Il reste toutefois impossible d’accommoder ceux qui ne font pas appel aux ressources offertes.

Au cours des dernières années, la Faculté de communication a été confrontée au comportement hostile d’un étudiant, se souvient Pierrette. Souffrant d’un trouble de santé mentale non-diagnostiqué, il harcelait, menaçait et indisposait étudiants et professeurs. L’avancement des cours était paralysé. Les professeurs devaient accorder toute leur énergie aux travaux d’équipe de l’étudiant, source principale de litiges. «Le problème persistait même après des rencontres et des arrangements», soutient la professeure. L’étudiant a d’ailleurs échoué l’une de ses classes. En l’absence de rapport médical, le chargé de cours au cœur du conflit a maintenu ses exigences comme pour tout autre étudiant. «Devant ces troubles de personnalité, nous sommes ignorants. Ça devient hors de notre contrôle», déplore Pierrette.

Lorsque les étudiants ont un trouble diagnostiqué et demandent de l’aide, le Service à la vie étudiante (SVE) a plus de liberté d’action. Les modalités des cours et des évaluations ainsi que les dates de remises des travaux peuvent alors être négociées avec les professeurs et les chargés de cours. Ceux sans évaluation médicale s’abstiennent généralement de consulter le centre d’aide aux étudiants en situation de handicap et ne peuvent bénéficier de ces accommodements, selon la directrice du SVE, Manon Vaillancourt. «Nous ne pouvons pas forcer un étudiant à nous rencontrer. Le service fonctionne sur une base volontaire», soutient-elle.
Les nouveaux professeurs sont informés des services offerts par le SVE depuis une dizaine d’années. Aider le corps professoral dans sa relation avec les étudiants outrepasse cependant le mandat du Service d’aide aux étudiants en situation de handicap. «Notre rôle est d’aider les étudiants, pas les enseignants, souligne Manon Vaillancourt. Nous pouvons adapter l’environnement des étudiants, donc consulter les professeurs, mais c’est tout.»

Solution à l’horizon
Le nombre d’étudiants universitaires handicapés ou souffrant de troubles mentaux croît de façon exponentielle au Québec. L’UQAM en a accueilli 714 en 2011 – 2012, une augmentation de 28 % par rapport à l’année précédente. Le constat est le même partout au Québec. En 2005, 33.7 % des Québécois de 15 à 24 ans faisaient face à des problèmes de détresse psychologique élevée selon l’Institut de la statistique du Québec.
Les services doivent s’améliorer en qualité et en quantité pour subvenir à la demande, plaide la directrice du Service d’accueil et de soutien socioéconomique de l’UQAM, Maria Dolores Otero. «Nous sommes très interpelés par cette problématique. Nous cherchons des moyens pour rejoindre ces étudiants en difficulté», déclare-t-elle. Des mesures pour informer le personnel académique et administratif de l’Université seront prises dans les mois à venir, mais le SVE se garde d’en diffuser les détails pour le moment. Une formation spécifique sur les étudiants en situation de handicap sera donnée au personnel de l’Université par le Centre de formation en soutien académique de l’UQAM.

De son côté, Pierrette suggère l’instauration d’une marche à suivre officielle pour les étudiants ayant un trouble de santé mentale. Les professeurs et chargés de cours pourraient la consulter pour savoir qui contacter et comment agir en cas de besoin. «La confidentialité du service serait primordiale pour ne pas envenimer notre relation avec les étudiants concernés», estime-t-elle.

Dans l’attente d’un service d’aide aux professeurs et de la création de procédures uniformes, l’ambiguïté persiste dans les classes. Le compteur tourne, et des étudiants continuent d’échouer à leurs cours.

*nom fictif

Crédit : Geneviève Gareau

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